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Claire Cornu est diplômée en architecture et en urbanisme. Experte pierre sèche auprès de la Convention européenne du paysage du Conseil de l'Europe, elle est aussi membre du conseil d'administration de Maisons paysannes de France (MPF) et du Collectif Paysages de l’après pétrole (PAP), cofondatrice et membre d’honneur de la Fédération française des professionnels de la pierre sèche (FFPPS), membre de la Société scientifique internationale pour l'étude pluridisciplinaire de la pierre sèche (SPS).

Comment es-tu arrivée à t’intéresser à la pierre sèche ?  Comment avez-vous développé des règles professionnelles ?

 

Suite à l’arrêt du programme européen REPPIS (1) (1996 - 1999), ce sont deux artisans boulangers, avec tout deux des responsabilités politiques régionales: Roger Bouvier (2) et Paul Gilles (3) qui m’ont confié cette mission. Ces deux élus ont eu la volonté de revaloriser le patrimoine en pierre sèche par la mise en place de formations pour les artisans, maçons ou tailleur de pierre, au sein du réseau des chambres de métiers de l’artisanat (4) et en partenariat avec le syndicat professionnel CAPEB. 

 

Pour démarrer ma mission, j’ai très vite compris qu’il n'existerait aucun marché pour la pierre sèche tant qu’aucun écrit officiel, aucune règle de l’art permettraient l’assurabilité des chantiers. Avant même la question d’ouvrir des formations, il s’agissait de doter la construction en pierre sèche, de véritables règles pour faire reconnaître officiellement le système constructif. Étant architecte, j’avais imaginé un DTU mais les moellons de pierre- out-venant n’étant pas normés, cela était impossible. C’est pourquoi le SETRA (Service d'Etudes Techniques des Routes et Autoroutes qui Intervient par délégation de l'AFNOR) nous a orienté vers un guide de bonnes pratiques qui,quelques années après, a évolué en règles professionnelles (5)

L'enjeu fort du débat public à la fin des années 1990 était le développement durable qui, pour moi, faisait écho avec cette notion d’artisanat et de ressources naturelles et locales. A cette époque, le savoir-faire du murailler était rare, c’est grâce aux associations du patrimoine et aux chantiers de jeunes bénévoles internationaux que le savoir-faire s’est maintenu. J’ai recherché puis rassemblé les personnes ressources volontaires : encadrants techniques de chantier d’insertion ou de chantiers de jeunes bénévoles internationaux, artisans, et très rapidement regroupé des personnes au-delà des limites administratives du Vaucluse. En effet, la pierre sèche est un sujet intime mais qui concerne quasiment tous les territoires, tous ceux où la pierre est présente.

 

Finalement, identifier tous ces gens, les convaincre de venir se rencontrer, de s’écouter, de se parler et d’engager une coopération avec des ingénieurs s’est révélé être une ingénierie de projet très complexe à mettre en place. Nous entourer de scientifiques de Grandes
Écoles Publiques d’ingénieurs était obligatoire car en France, la corporation des ingénieurs
possède une caution très forte dans le secteur de la construction. Au départ, tout le monde était un peu réticent, mais grâce à Paul Arnault (6) membre fondateur des Muraillers de Provence, et entrepreneur en monuments historiques à Pernes-les-Fontaines, nous avons pu militer et convaincre de l’intérêt de cette aventure.

 

Pour ma chambre de métiers et de l’artisanat (7) et avec l’aval de la direction du ministère de l'artisanat j’ai pu réunir les fonds nécessaires pour l’écriture de règles de l’art par trois associations de praticiens fraîchement créées : Les muraillers de Provence, les ABPS des Cévennes et la Confrérie des bâtisseurs en pierre sèche du Gard. Tandis que de son côté, l’ENTPE avec ses deux premiers doctorants concevaient les abaques de calculs de dimensionnement des profils des ouvrages pour le calcaire et pour le granit : notre guide de bonnes pratiques paru en 2008.

C’est au cours des années du programme REPPIS, coordonné par Didier Respaud-Bouny de l’Agence Paysages d’Avignon que l’ENTPE (8) avec Patrick Cohen (9) du Parc Naturel Régional du Luberon avaient débuté les essais scientifiques à Bonnieux (10). Dans la foulée, Boris Villemus, jeune diplômé, souhaitant poursuivre sur le sujet par une thèse de doctorat (11) avec le CNRS (12) avait recontacté Paul Arnault.

Pourquoi ce patrimoine est-il si important pour toi?

 

Après mon diplôme d’architecture à Marseille, j’ai continué mes études par un diplôme en urbanisme à Aix-en-Provence. Mon premier emploi fut d’intégrer l’École d’Avignon (13), qui est un centre d’études et de formations aux techniques du bâti ancien. C’est Gilles Nourissier, directeur aujourd’hui décédé, qui m’a fait découvrir les intérêts des savoir-faire et les enjeux des techniques et matériaux compatibles dans la réhabilitation du patrimoine. Honnêtement, je n’avais jamais été sensibilisé à ces questions lors de mes études d’architecture.
Néanmoins, j’y avais suivi les cours du laboratoire de recherche “Ambiance Bioclimatique” sur les problématiques d’ensoleillement, d'environnement, de paysage, des risques, d'inondations, de tremblements de terre…


En 1987 j’avais intégré une année de formation mise en place par la Direction de l’architecture, celle de l’artisanat et l’APCM (Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l’artisanat) en vue de développer de nouveaux profils dans le réseau de l’artisanat. J’ai été accueillie par la Chambre de métiers et de l’artisanat de Vaucluse, laquelle avait été cofondatrice de l’École d'Avignon avec la Caisse des Monuments Historiques et le ministère de l’équipement en 1983. C’est à l’école d’Avignon que j’ai pu expérimenter la restauration du patrimoine de façon très concrète, grâce à des stages d’enduit et badigeon (14) par exemple, de filage de profils au ciment prompt (15), la connaissance des pathologies de la pierre, la typologie des menuiseries, le trompe-l’oeil et la peinture en décor. A l’École, nous apprenions la restauration : réparer plutôt que changer. C’était l’idée de réparation qui dominait. J’ai été chargée de mettre en place des programmes d’échanges européens entre de jeunes professionnels maçons, menuisiers, peintres en décor, avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Pour moi, l'Ecole d’Avignon était un outil fantastique de transmission des savoir-faire et de partage avec d’autres centres de formations équivalents en Europe. C’est là que j’ai pris la mesure entre les matériaux et techniques conventionnels et ceux traditionnels propres au bâti d’avant 1948. 


Par la suite, j’ai été chargée d’études et d’animation d’ OPAH (16) (opération programmée d’amélioration de l’habitat). Cette période a été très formatrice, je me suis occupée d’études très concrètes concernant la réhabilitation des centres villes anciens : un rôle technique et pédagogique pour stimuler les propriétaires à faire des travaux, compatibles avec les caractéristiques spécifiques du patrimoine bâti ancien, et ainsi remettre des logements vacants sur le marché de l’offre locative.


Puis je suis revenue à la Chambre de métiers et de l’artisanat de Vaucluse, pour laquelle j’ai mis à profit mes compétences d’urbaniste, pour porter la voix de l’artisanat à l’échelle des territoires. Je me suis également beaucoup intéressée au développement local pour promouvoir les métiers d’art.


Entre ma sensibilité, mes connaissances et mes aptitudes dans l'ingénierie de projets, j’ai relevé le défi de donner une suite au programme REPPIS. Il faut savoir qu’à l’époque,hormis le côté pittoresque, la pierre sèche n’était pas perçue comme un système constructif pertinent face aux enjeux durables pour la gestion du ruissellement et pour la biodiversité. 

Née au Maroc, ayant vécu mon enfance en Corse, j’étais imprégnée par les constructions en pierre sèche que j’avais arpenté, parcouru, sillonné…Les terrasses, les cabanes, les escaliers, les séguias, les aiguiers, les chemins…


Lors de mes études d’architecture, l’association APARE (association pour la participation et l’action régionale, basée à l’Isle sur la Sorgue, qui organise des chantiers de jeunes bénévoles internationaux et gèrent des programmes euro-méditerranéen qui portent essentiellement sur la pierre sèche) m’avait confié les relevés des bergeries de la montagne de Lure aux alentours de 1983 ou 1984. On passait des journées entières dans de vastes endroits perdus, un paysage magnifique. Ces bergeries sont grandioses, parfois à cinq coupoles, d’autres avec des voûtes à encorbellement sur 30 m de longueur entièrement bâties en pierre sèche. C’est le pays de Jean Giono (17). Les pelouses étaient magnifiques, les moutons et les bergers heureux.

1.  REPPIS pour « Réseau des pays de la pierre sèche », financé par l’Union européenne. Projet pilote de coopération interrégional de développement économique à vocation culturelle sur le thème mobilisateur du patrimoine et du travail de la pierre sèche. Il regroupait quatre régions européennes : les Pouilles (pour l’Italie), l’épire (pour la Grèce), les Baléares (pour l’Espagne), le Luberon (pour la France).

​2. Roger BOUVIER: Président de la Commission environnement au Conseil régional de PACA

3. Paul GILLES: Président de la Chambre de métiers et de l'artisanat de Vaucluse (CMA84).

6. Paul Arnault, entreprise OPUS. Président de la Fédération française des professionnels de la pierre sèche (F.F.P.P.S.), membre fondateur des Muraillers de Provence

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Figure 1. Roger Bouvier

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Figure 2. Paul Gille

10. C'est à Bonnieux que Denis Tessaro et Paul Arnault, entreprise OPUS, engagent les premières expérimentations sur la stabilité des soutènements en pierre sèche avec Jean-Claude Morel et Boris Villemus de l'ENTPE de Lyon. 

11. VILLEMUS Boris Etude des murs de soutènement en maçonnerie de pierres sèches Thèse de doctorat en Génie civil : Sols, Matériaux, Structures, Physique du Bâtiment, sous la direction de Claude BOUTIN - INSA de Lyon - 247 p.

12. CNRS: Centre National de Recherche Scientifique

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Figure 3. Paul Arnault, Président fondateur de la fédération des porfession-nels de la pierre seche (FFPPS)

14. Un badigeon de chaux est un mélange d'eau, de chaux et de pigments. On parle également de peinture à la chaux, de peinture minérale. Parfois coloré, parfois blanc, épais ou transparent, appliqué sur des supports d'enduits le badigeon présente de bonnes qualités esthétiques. 

15. Le ciment naturel prompt, ou ciment prompt, est un deuxième type de ciment fabriqué après le liant antique. Apparu en France en 1827, il est particulièrement fin et moulable.

16. Une Opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) est, en France, une convention passée entre une collectivité (commune ou un EPCI), l’État et l’Agence nationale de l'habitat (Anah) en vue de requalifier et de réhabiliter un quartier bâti. Un OPAH agit donc sur un territoire limité (commune ou EPCI). 

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Figure 4. Patrick Cohen, architecte du patrimoine, responsable du service architecture et
patrimoine au Parc Naturel Régional du Luberon.

17. Jean Giono, né le 30 mars 1895 à Manosque et mort le 8 octobre 1970 dans la même ville, est un écrivain français. Un grand nombre de ses ouvrages ont pour cadre le monde paysan provençal. Inspirée par son imagination et ses visions de la Grèce antique, son œuvre romanesque dépeint la condition de l'homme dans le monde, face aux questions morales et métaphysiques et possède une portée universelle.

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Figure 5. Jean Giono (1895 - 1970).

Quelle distinction faut-il faire entre “petit” et “grand” patrimoine ? Peut-on parler d’un “grand” patrimoine en pierre sèche? La pierre sèche est-elle un patrimoine du quotidien ? 

 

Si au départ le ministère de la culture avait une fâcheuse tendance à ne parler que de grand patrimoine, cette tendance s’estompe. En tout cas dans le discours de la ministre de la culture Rima Abdul-Malak, pour les journées européennes du Patrimoine 2022 (18), la pierre sèche est complètement intégrée comme un matériau d’avenir et saluée parmi les métiers d’art digne d’être présentés dans les jardins du Palais Royal pour les journées européennes du patrimoine. Pour cette dernière édition, les muraillers y ont expérimenté avec des petits modules de pierre pour les enfants.

Dans son discours des 39ème éditions des journées européennes du patrimoine, la ministre encourage les savoir-faire du patrimoine qui participent au développement durable par l’usage d’une ressource locale, sa mise en oeuvre et son réemploi. Et c’est bien pour ces qualités là également que nous avons pu obtenir le classement de la pierre sèche sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité (19).

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Lorsqu’on parle de “grand” patrimoine, on parle indubitablement de “petit” patrimoine. Toutes ces petites choses, ces accompagnements mettent en scène le patrimoine plus majestueux. Pour expliquer cette notion, je cite souvent l’exemple du prieuré de Ganagobie. Lorsque vous arpentez le site, vous apercevez le tympan très ouvragé du prieuré qui attire l'œil du visiteur, on oublie le tout petit mur de pierres sèches qui accompagne la scénographie du lieu. Ce mur modeste, capte les jeux d’ombres et de lumières. Il est là comme s’il avait toujours été là. Trop souvent les gens se rendent compte de la valeur du patrimoine lorsque celui-ci disparaît. 

Selon moi, ces murs de pierre sèche ont une grande importance dans le paysage. Lorsque je me déplace sur les routes du Vaucluse, ou d’ailleurs, et que je vois que les murs de soutènement ont été remplacés par des enrochements sommaire, cela me fend le cœur. Certes, les enrochements sont de la pierre et ils sont des murs drainants,  mais les gabarits des modules sont disproportionnés et cela heurte les paysages. De plus leur mise en œuvre est faite par un gros engin mécanique qui nécessite d’être amené sur site, qui consomment du carburant.

 

Trop souvent, on dénigre la résistance des murs de soutènement en pierre sèche, mais il faut objectiver cette remarque: depuis combien de temps avons-nous laissé ce mur sans entretien ? Voilà la vraie question.

 

En comparaison, le patrimoine en béton armé non plus n'est pas éternel. Lorsqu’on pense à la Cathédrale du Havre (20) d’Auguste Perret, ou à celle de Royan par Guillaume Gillet (21), à la Villa Noailles de Robert Mallet Stevens (22) à Hyères-les-Palmiers, ou la Villa Cavrois à Croix près de Roubaix...patrimoines que j’aime beaucoup, tous ces édifices ont déjà subi des campagnes de restauration. Même si les blockhaus allemands sur le mur de l’Atlantique nous semblent invincibles, ce n’est pas vrai, le béton doit nécessairement être entretenu et il est plus compliqué à réparer qu’un mur en pierre sèche. 

Dans un mur en pierre sèche dès qu’une brèche apparaît, il suffit de démonter la partie endommagée, de trier les pierres puis de remonter le mur. Aucun déchets, toutes les pierres sont récupérées et retrouvent une fonction dans le mur et on ajoute un apport de 30% de pierres neuves, en général issues de carrières environnantes. L’avantage c’est que les moellons grossièrement équarris de fond de carrière sont valables pour la construction en pierre sèche. Ces “déchets” de carrière sont donc une ressource exploitable et à fort potentiel.

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Figure 5. L'abbaye Notre-Dame De Ganagobie.

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Figure 6. Auguste Perret

20. Auguste Perret, né le 12 février 1874 à Ixelles (Belgique) et mort le 25 février 1954 à Paris, est un architecte français qui fut l'un des premiers techniciens spécialistes du béton armé. 

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Figure 7. Guillame Gillet

21. Guillaume Gillet est un architecte français, né le 20 novembre 1912 à Fontaine-Chaalis (Oise) et mort le 23 septembre 1987 à Paris 10ème arrondissement. Grand prix de Rome, il est connu pour son architecture moderne, principalement dans le domaine de l'architecture religieuse et pénitentiaire.

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Figure 8. Robert Mallet-Stevens

22. Robert Mallet-Stevens, né le 24 mars 1886 à Paris et mort le 8 février 1945 dans la même ville, est un architecte et designer français. Il fait partie du mouvement moderne. Il fut également un célèbre décorateur de cinéma dans les années 1920 pour Marcel L'Herbier ou Jean Renoir, et directeur de l'école des beaux-arts de Lille. 

Figure 9. Chantier de construction de la Cathédrale de Royan. Photographie non datée.

L’analyse du cycle de vie (ACV) (23) est favorable aux ouvrages en pierre sèche. Tout l’argumentaire de cette étude de 2007 a été réalisé entre les étudiants de l’Ecole Centrale de Lyon et l’association Les muraillers de Provence (24). En 2009, avec un autre groupe d’étudiants de Centrale, l’association des Artisans bâtisseurs en pierre sèche (ABPS) des Cévennes a démontré, quant à elle, qu’en comparaison à un mur en gabion (25), et jusqu’à 4 mètres de hauteur, l’usage de la pierre sèche était “économiquement”, plus pertinent. 


Je pense qu’interroger la notion de patrimoine, c'est avant tout interroger notre cadre de vie. Qu’il s’agisse d’une Cathédrale, d’un mur de soutènement, des sols, de la végétalisation, c’est la qualité des matériaux et de leur mise en oeuvre qui font la différence. Tout est important. Une haie d’arbres, une route à l’ombre sous un tunnel de platanes, c’est quand même plus appréciable qu’une route vierge. Le détail compte énormément.

 

Quels sont les avantages écologiques des murs en pierre sèche par rapport aux constructions standardisées ? 

 

Dans l’imaginaire, un paysage en terrasse est un “beau” paysage, certes, mais nous vient à l’esprit que c’est aussi un bon produit, une meilleure gestion du terroir, composée avec le climat, l’eau, le sol…Il n’est pas question que de pierre sèche, mais de paysage et d’organisation.


Les terrasses ont permis de produire une agriculture sur des terrains difficiles, on parle parfois d’ “agriculture héroïque”. On nivelle les collines pour apprivoiser les pentes et on permet surtout à l’eau de pluie d’être absorbée par les banquettes. Les terrasses jouent un rôle anti-érosif qui freine les effets dévastateurs de l’eau de pluie en excès. En effet, un soutènement en pierre sèche n’est composé que de pierres et de vides lesquels confèrent un bon pouvoir drainant à ces maçonneries.


Dans la vallée du Rhône en Suisse, dans le Canton du Valais où le fleuve prend sa source à son glacier, c’est toute une région qui est aménagée en terrasse. Toutes ces terrasses sont à l’adret, le versant le plus ensoleillé orienté au sud. Dans cette configuration, le soleil va chauffer les pierres et comme la pierre a une inertie thermique, la chaleur emmagasinée en journée va se restituer dans les terrasses pendant la nuit. Cet effet crée un microclimat favorable aux cultures.

23. L’analyse du cycle de vie (ACV) recense et quantifie, tout au long de la vie des produits, les flux physiques de matière et d’énergie associés aux activités humaines. Elle en évalue les impacts potentiels puis interprète les résultats obtenus en fonction de ses objectifs initiaux.

24. L'association les Muraillers de Provence a été fondée en 2002. Composée de 12 membres actifs, elle a pour objectifs la promotion, formation et expertise de la technique "pierre sèche" d'un point de vue architectural, environnemental, social, patrimonial et économique. Ces membres participent à divers salons et conférences ainsi qu'à des congrès internationaux de la pierre sèche et sont co-auteurs du "Guide de bonnes pratiques de construction de murs de soutènement en pierre sèche" édité en 2008. 

25. Un gabion (de l'italien gabbione signifiant « grosse cage ») est en génie civil un casier, le plus souvent constitué de nos jours de solides fils de fer tressés, et remplis de pierres généralement non-gélives.

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La construction en pierre sèche est également en grande partie constituée de vie, qui est une niche de biodiversité. En 2002, au VIIIème congrès international pour la pierre sèche de la SPS à Viège, en Suisse, des communications ont fait le constat que des réparations faites sur des murs en pierre sèche avec du ciment ou des remplacement par des barres de chemin de fer… Certes les paysages étaient entachés, mais en plus, les agriculteurs se sont très rapidement rendu compte que les vignes été bien plus vulnérables aux attaques des prédateurs, qu’il fallait rajouter des intrants, alors que dans les parcelles où subsistaient les murs de pierre sèche, l’écosystème persistait et les cultures se portaient bien. Une autre communication portait sur la fabrication du fromage en alpage avec le constat que la vieille cabane en pierre sèche comparée à une nouvelle cabane en béton, laquelle avait nécessité plusieurs héliportages de matériaux et de matériels pour sa construction, permettait un meilleur fromage, plus gustatif ! J’avais déjà entendu cela, lors d’un workshop du programme ProTerra en Corse en 2002, des chercheurs italiens de Vérone faire le même constat sur des pommes cultivées en terrasses de pierre sèche au lieu d’être cultivées en plaine.


Pareillement, lorsque j’ai coorganisé avec l’UNEP (union nationale des entreprise du paysage, syndicat professionnel) et la FFP (fédération française du paysage, réseau des paysagistes-concepteurs) de la Région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne les Rencontres de la pierre sèche à l’écomusée d’Alsace en 2016, la ligue de protection des oiseaux (26) (LPO) d’Alsace a démontré combien les murs de pierre sèche étaient le lieu privilégié où nichent plusieurs espèces d’oiseaux et d’insectes, comme les abeilles sauvages.

 

C’est une richesse fantastique pourquoi s’en priver ?

La pierre sèche est-elle un matériau d’avenir pour l’architecture ?

 

Aujourd’hui lorsqu’on parle de construction en pierre sèche en France, on parle surtout des aménagements qui accompagnent les maisons, les jardins et on commence à voir de plus
en plus de demandes de restaurations d’ouvrages dans l’espace public. En Angleterre c’est courant, par exemple, dans une ancienne ville ouvrière comme Leeds (27), j’ai vu des clôtures en pierre sèche en plein coeur de la ville. Ces façons ancestrales de construire créent des permanences qui perdurent dans nos espaces urbains. 

Par contre, construire une maison entièrement en pierre sèche, je doute que cela soit viable et rentable. On peut trouver dans la région des Pouilles au sud de l’Italie, des morphologies d’habitat en pierre sèche, que l’on nomme Trulli (28) qui ont créé l’identité vernaculaire de la région. Dans un esprit de conserver l’identité régionale pour le tourisme, cette morphologie d‘habitat est reconstruite aujourd’hui. Les Apuliens ont également pris conscience du confort estival qu'apportent ce genre d’habitat vernaculaire. 

27. Leeds est une ville britannique dans la région du Yorkshire-et-Humber, dont elle est le chef-lieu. Elle est située à l'est de la chaîne des Pennines, sur la rivière Aire. C'est la troisième ville d'Angleterre. 

28. Le trullo (pluriel trulli) représente une forme typique de construction rurale de la Murgia dei Trulli (Murgie des trulli), plateau situé entre les villes de Bari, Brindisi et Tarente dans la région des Pouilles en Italie du Sud. 

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Pour ma part, je pense qu’un lotissement entier en pierre sèche n’a pas d’avenir. Il faut plutôt travailler les blocs de pierre massive produits en carrière.

Depuis quelques années, les éco-constructeurs ont été très demandeurs pour actualiser des techniques ancestrales, je pense en particulier aux fondations. Plutôt que de poser une structure en bois, remplissage bottes de paille et enduit terre, ou également une structure en terre, sur un socle en béton armé, il s’agirait de créer des fondations en pierre sèche..

Avec l’association régionale EnviroBât, Les muraillers de Provence et le laboratoire géomatériaux de l’ENTPE de Lyon avaient déposé une demande de subvention pour analyser ce type de fondation en pierre sèche auprès de la région PACA, dossier qui avait été déboutée par la Commission des élus de l’époque. C’est suite aux Rencontres de la pierre sèche que j’avais coorganisé en 2013 avec l’APAMAC (réseau des 22 Chambres de métiers et de l'artisanat du Massif Central), le CAUE 63, Les ateliers du Patrimoine et MACEO, leur programme “Vivier pierre” (29) soutenu par le Commissariat au Massif Central s’est élargi à la pierre sèche. Actuellement les études sont en cours pour des fondations en pierre sèche pour des maisons à ossature bois, en partenariat avec l’Ecole Centrale de Lyon et l’association de muraillers ardéchois Gens de Pierre (30). 

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Figure 13. Fondation en pierre. Musée du vin de Patrimonio avec fondations en béton cyclopéen. Gilles Perraudin. © Extraits de Construire en pierre. 

Quels arguments pouvons-nous donner à des particuliers ou des Maîtrises d’ouvrage publiques pour convaincre d’utiliser la pierre sèche? 

Dans la commune de Gordes, l’utilisation de la pierre était inscrite dans le POS (31) comme une obligation d’utiliser “la pierre apparente”. Cette inscription a engendré un phénomène négatif, on a décrouté toutes les anciennes façades enduites pour révéler la pierre. Hors très souvent, ces façades n’étaient pas conçues pour que la pierre reste apparente. Les moellons calcaires de faible résistance, n’étaient pas conçus pour essuyer les intempéries climatiques. De nombreuses pathologies sont apparues dues au vent, aux eaux pluviales et au ciment qui trop souvent remplace la chaux dans les joints. Or la ciment rend la paroi étanche alors qu’elle a besoin de perspirance. Asphyxiée par le ciment, la pierre se délite. La chaux laisse transiter la vapeur d’eau.

 

Au moment du passage du POS au PLU puis PLUI, L’obligation d’utiliser de la pierre apparente n’a pas pu être retirée….Il est presque impossible maintenant pour un maire de transformer la règle. En effet, les habitants qui ont déjà payé plus cher les travaux pour respecter la règle ont un sentiment d’injustice. Une fois que la règle est mise en place, il est très difficile de la changer, sans se mettre à dos une bonne partie de l’électorat. 

 

La règle crée également des tendances comme les maisons blanches qu’on voit fleurir partout, avec leur volets roulants et le choix de la couleur gris anthracite. On a jamais vu cela en Provence et pourtant cela se répand quelque soit la région. 

 

Je dirais que le village de Gordes a un vrai patrimoine en pierre sèche. Lorsqu’on se promène autour du village, on découvre des merveilles. Alors certes, on découvre souvent du parement de pierre sur des murs de parpaings ou une âme en béton ou des pierres discrètement jointoyées au ciment, certes on voit des linteaux apparemment constitués de petits modules de pierres qui semblent de pas pouvoir tenir, c’est un goût qui n’est pas le mien. Ce qui me dérange le plus c’est lorsqu’on fait des clôtures en parement. Lorsque je vois ces pierres collées, je vois un gaspillage de matière. En effet, ces murs en “collage”, sont plus difficiles à réparer et en plus il perd sa qualité drainante.

 

Et puis un mur de pierre sèche, c’est aussi la satisfaction d’un matériau noble travaillé avec noblesse. Un mur monté par un murailler aura une saveur particulière parce que l’artisan va laissé son empreinte dans son mur avec pour seuls outils, leur têtu (32), leur chasse (33). Tout ceci à un coût, il faut payer le temps de travail plus la pierre, mais les deux sont des ressources locales. Ces artisans habitent dans les villages et mettent leurs enfants à l’école… ils consomment sur ce territoire. Ce que je veux dire c'est que préconiser l’emploi de ressources locales hommes et pierre, c’est aussi proposer un autre modèle de société. Les maires des villages seraient bien inspirés de sensibiliser la population et de soutenir la formation des artisans, des jardiniers, des forestiers, en formant aussi leur employés communaux pour entretenir les clôtures, les murets, les chemins de randonnées, les calades…
Je pense enfin que c’est pertinent de former des gens parce que ce métier apporte une satisfaction et une grande fierté. Ces artisans muraillers contribuent au développement durable, ils pérennisent un paysage et un “petit” patrimoine qui est tout à fait identitaire. 

31. Plan d’occupation des sols. 

32. Le têtu est un outil à percussion, ressemblant à un gros marteau ou à une masse, outil des tailleurs de pierre, des maçons et anciennement limousins, et des carriers. Dans la maçonnerie traditionnelle appelée la limousinerie, il sert à dégrossir ou à tailler grossièrement les moellons. 

33. Les chasses sont des outils manuels avec une tête conçue pour la coupe. La fonction principale de la chasse est de couper et d’enlever l’excédent de pierre pour lui redonner son aspect naturel.

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D’ailleurs, avec nos avancées : inscription à l’UNESCO, dans la Convention Européenne du paysage (34), les règles de l’art lesquelles ont évolué en règles professionnelles, les diplômes nationaux, on se rend compte qu’il existe un engouement pour ce métier. De nombreuses personnes, après plusieurs années d’études ou non, se reconvertissent en artisan murailler. Beaucoup d'entreprises du bâtiment ou d’aménagement d’espaces verts, ajoutent la construction en pierre sèche à leur compétence et diversifient leurs services selon les saisons. En Provence, en juillet et août il fait trop chaud pour bâtir la pierre sèche. Tout cet engouement, nous montre que la pierre sèche a un avenir, et qu’il manque même beaucoup de bras pour répondre aux appels d’offres publics de plus en plus nombreux à rester infructueux.

 

Je vais citer un cas d’école qui est celui de l’Abbaye de Montmajour (35) sur la commune d’Arles. Dans ce monument historique classé et inscrit à l’UNESCO, la DRAC (36) a lancé un chantier de restauration des terrasses sur le coteau sud de l’abbaye. C’est l’artisan ardéchois MarcoPiedra (37) qui a obtenu le marché de construction et pour réaliser les travaux il a lancer une invitation dans tous les réseaux de la pierre sèche et de nombreux muraillers de toutes la France ont accouru pour se relayer. Ce chantier école a duré deux années, les artisans ont tout défriché, tout démonté et restitué l'oeuvre avec les pierres trouvées sur place, il n’y a eu aucun apport de pierres neuves. C’est une très belle histoire de solidarité à réitérer.


Des chantiers emblématiques comme cela peuvent marcher, mais dans la majorité des cas les appels d’offre sont restés sans réponse, donc il faut continuer à former les praticiens, continuer à sensibiliser les élus, continuer à sensibiliser et former les prescripteurs aussi, les architectes, les bureaux d’études techniques, les paysagistes-concepteurs, les cadres techniques de collectivités….C’est pour cela qu’on a conçu cette formation là, Paul Arnault, Yvan Delahaye, Denis Garnier et moi-même, assurée par un tandem chercheur-ingénieur et murailler. La première édition fut organisée en 2013 à Pierrevert dans les Alpes de Hautes Provence (04) avec EnviroBat bâtiment durable méditerranéen (38). Depuis d’autres ont été coorganisées avec des DREAL, le CNFPT, des Parcs, des CAUE. 

Figure 14. Chasse et têtu.

34. La Convention du Conseil de l’Europe sur le paysage a pour objet de promouvoir la protection, la gestion et l’aménagement des paysages et d’organiser la coopération internationale dans ce domaine.

35. L'abbaye Saint-Pierre de Montmajour est une abbaye bénédictine fondée en 948 à environ quatre kilomètres au nord-est du centre historique d'Arles dans le département des Bouches-du-Rhône 

36. DRAC: Direction régionales des affaires culturelles

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En conclusion, il manque des bras et c’est bien dommage. Il faut continuer à convaincre, à former, la pierre sèche est un savoir-faire d’avenir. 

 

Dans le cas de ces paysages de plateaux, pour ces routes en altitude, comme dans le Parc national du Mercantour, où les ressources sont limitées, la pierre sèche fait sens. Il est impensable d’hélitreuiller des matériaux de construction pour restaurer les chemins de randonnée. La pierre sèche est un matériau de cueillette, manuportable, facile à mettre en œuvre et qui si elle est entretenue peut durer des centaine d’années. 

Le paysage en pierre sèche est-il un levier de développement touristique ? Vers quelle forme de tourisme faut-il se tourner ?

 

On sent qu’il a un engouement important pour le tourisme de montagne estival et pour la randonnée pédestre. On le ressent par exemple pour le pèlerinage de Saint Jacques-de- Compostelle qui possède de nombreuses portions en pierre sèche. La gestion et l’entretien se font en partie par les Espagnols et les Français.Dernièrement, sur le GR65 des cabanes en pierre sèche ont été bâties pour abriter les pèlerins : Super Cayrou. Cette œuvre a été lauréate du prix Architecture Occitanie 2021.


Pour la côte méditerranéenne, l’héliotropisme a fait beaucoup de dégâts. Je vais donner l’exemple de l’île de Majorque dans l'archipel des Baléares. Tout le nord de l’île est constitué de grandes falaises qui tombent dans la mer. L'engouement pour les bains de mer et le soleil des années 1970 a multiplié hôtels, villages de vacances, jusqu’à construire des immeubles carrément dans le sable au bord de l’eau de la côte sud.

Un mouvement de réaction face à ce tourisme estival de masse s’est cristallisé sur l’île de Majorque au travers l’association FODESMA (39). En 1988, l’association surfe sur des subventions du ministère de l’emploi, à travers des workshops nommés, “escuela taller”. Ces écoles ateliers ont embauché et formé des jeunes à entretenir et restaurer à l’identique des murs en pierre sèche. En parallèle, l'association a lancé une grande campagne d’inventaire de tous les éléments en pierre sèche présents sur le territoire de la Serra de Tramuntana (40), des gîtes d’étape ont vu le jour, certains jeunes agriculteurs se sont réimplanté dans les oliveraies. Suite à ce mouvement de reconquête, les élus de l’île ont pris conscience de l’intérêt de cette démarche et ont encouragé ce slow-tourisme qui diversifie l’offre et élargit considérablement la saison touristique. Le conseil politique de l’île (41) a renforcé une politique de reconquête des terrasses agricoles, et d’entretien des chemins muletiers (42), des calades et des soutènements routiers.


L'île de Majorque a donc réussi à répartir le tourisme sur toute l’année en revalorisant une partie de l’île préalablement laissée à l’abandon. L’île a ainsi obtenu l’appellation GR221 (43) et en 2011 la consécration : son inscription aux paysages culturels de l’humanité à l’UNESCO.


Les élus ont même détruit un hôtel en bord de mer pour faire évoluer leur image touristique. Le tourisme a maintenant une autre ambition que le”bronze-cul” comme on dit dans le Luberon.

Figure 15. Restauration des restanques en pierre sèche de l’abbaye de Montmajour. © Madeline Florian.

39. Association FODESMA et Consell de Mallorca

40. La serra de Tramuntana est le principal massif montagneux de l'île de Majorque, située dans le nord-ouest de l'île. Son nom fait directement référence à la tramontane, le vent du nord présent dans le massif et soufflant depuis le continent. C'est un massif essentiellement constitué de moyennes montagnes et de collines côtières qui plongent vers la mer en hautes falaises très découpées.

42. Un chemin muletier est une voie de communication tracée dans un environnement naturel historiquement utilisée par des muletiers et leurs animaux.

43. La Route de la pierre sèche, en catalan La Ruta de la Pedra en Sec, désigne le sentier de grande randonnée 221 (GR 221), à Majorque, en Espagne. Il relie la région d'Andratx au nord-ouest de cette île, à Pollença, au nord-est, parcourant ainsi la Serra de Tramuntana, massif montagneux de la côte nord, caractéristique de cette île et inscrite au patrimoine mondial de l'Humanité par l'UNESCO.

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Quels conseils donner aux jeunes prescripteurs qui s’intéressent aux matériaux locaux et à la pierre sèche ?

 

Il est souhaitable que les écoles d’architecture, de paysage et d’ingénieur essaient de sortir de l’enseignement du “tout béton”. Il y a plein d’autres matériaux naturels à étudier. Par exemple, on apprend très peu aux étudiants l’usage de la pierre massive dans la construction alors que quasiment l'entièreté de nos villes sont bâties en pierre.

 

Je pense que maintenant les esprits sont à maturation pour que dans les référentiels de formations ont réintroduise tous ces matériaux ancestraux. Il ne faut pas oublier que les matériaux dits “géosourcés” ou “biosourcé”, sont des matériaux qu’on utilise depuis des siècles, voire des millénaires. 

Étudier ces matériaux nous permet aussi de mieux comprendre le patrimoine. Il faudrait qu’on réaffecte les logements vacants, les friches d'usines délaissées…pour répondre au besoin de reconstruire la ville sur la ville. 

 

Il faut apprendre aux étudiants à travailler sur le patrimoine et les matériaux naturels. Je suis complètement favorable à la construction en paille, à l’isolation en chanvre, à la ouate de cellulose…Toutes ces techniques de réemploi et de recyclage sont l’avenir. Il faut sortir du tout jetable et de l’emprise des lobbies industriels.
 

Concernant la pierre sèche, elle fait partie de cet éventail, donc il n’y a pas de raison qu’on l’oublie et c’est pour cela qu’avec Paul Arnault, Yvan Delahaye (44) et Denis Garnier, chercheur-enseignant à l'école des Pont Paris-tech, nous avons créé la formation prescripteur "les ouvrages en pierre sèche" ouverte aux architectes, bureaux techniques. La première session de formation a été faite en 2013, depuis on a fait partout lorsque la demande est là. C'est la fédération française des professionnels de la pierre sèche (FFPPS) (45) qui organise cela. 

 

Avec ces matériaux naturels, on lie les hommes. En sortant de l’école en 1985, il y avait les ingénieurs d’un côté, les architectes de l’autre, les artisans. Maintenant lorsqu’on fait une journée de formation à la construction paille ou pierre sèche, le public est multiple, cela crée une intelligence collective. Le bâtiment est une œuvre collective, si on sépare les corps de métier, on sombre dans la bêtise. 

 

Est-il important de s’unir pour défendre la pratique de la pierre sèche ?

 

Quand on a démarré avec Paul Arnault (46) nous nous sommes entourés de personnes militantes qui ont participé à des inventaires comme Danièle Larcena (47) de Pierre sèche en Vaucluse, ou Maurice Roustan (48) de l’ASERPUR du côté de Nîmes, de Philippe Alexandre tailleur de pierre-murailler de l’APARE, de ces personnalités qui ont fait bouger les mentalités comme Jean Cabanel (49) qui avait fondé la mission paysage au ministère de l’environnement, de Régis Ambroise de la mission paysage du ministère de l'agriculture et aussi de Paul Kalck sociologue expert sur les besoins de qualifications pour la conservation du patrimoine architectural au Céreq (centre national d’études et de recherche sur la qualification)…Je rends aussi hommage à tous ces travaux d'associations de bénévoles qui existent un peu partout en France grâce à qui avait pu subsister le savoir-faire oral de murailler et à tous ces muraillers qui dès 2002 ont accepté de nous rejoindre et d’apporter leur bénévolat à cette démarche coopérative; Ils sont venus du Vaucluse (84) mais encore du Gard (30), de Lozère (48), de l’Hérault (34) et du Var (83).. On a essayé de rassembler toutes les compétences et les envies de faire ensemble. A posteriori, je pense qu’on a ajouté notre pierre à l’édifice, parce qu’on a mélangé tous les profils, les praticiens et les prescripteurs, tous les chercheurs scientifiques qu’ils soient géographes, archéologues, ingénieurs, les Parcs et les CAUE, qui nous ont aidé à repérer les personnes ressources disposant encore de ce savoir-faire. Nous sommes rien tout seul et nous avons tout intérêt à être ensemble sur plusieurs territoires parce que la pierre sèche est un sujet vaste et transversal. 

Figure 16. GR221, La route de la pierre sèche, ile de Majorque.

44. Mémento des terrasses conçu par le Parc naturel régional des Monts d'Ardèche, Yvan Delahaye, Agnès Redon

Mémento des calades, bonnes pratiques et règles de l'art, conçu et rédigé par l'elips, Yvan Delahaye, Ingrid Saumur, Anne-Lise Monet, Anne-Lise Blaise, conception graphique Parc Naturel Régional des Monts d'Ardèche, édition PNR MA

45. FFPPS

46. Paul ARNAULT : Jusqu'en 2017, Directeur de l’entreprise artisanale vauclusienne « Opus Patrimonio » qualifiée Monuments Historiques qui coopéra avec Boris Villemus et Jean-Claude Morel de l'ENTPE de Lyon et le CETE Méditerranée aux premières études sur les murs de soutènements en pierre sèche dans le cadre du programme REPPIS (réseau européen des pays de la pierre sèche 1996-1999) : chantier du square des mamans devant l'école de Bonnieux en Luberon. Co-rédacteur des règles de l'art Guide des bonnes pratiques de construction de soutènement en pierre sèche (Éditées par le collectif, 2008), du référentiel d’examen pour les certificats de qualification professionnelle Ouvrier professionnel en pierre sèche CQP N2 (2010) et de la Formation prescripteurs (FFPPS, 2012). Il fut président-fondateur de la FFPPS en 2012 qu'il dirigea jusqu'en 2018 et fut également président-fondateur de Les Muraillers de Provence en 2002.

47. Danièle Larcena - Géographe EHESS  - Voir interview Atelier Géminé

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Figure 17. Danièle Larcena, Géographe, Association pierre eu Vaucluse

48. Maurice Roustan président de la Confrérie des bâtisseurs en pierre sèche

49. Jean CABANEL : Membre du pôle de compétence paysage du Conseil Général des Ponts & Chaussées, ancien Chef de la Mission du paysage au Ministère de l’environnement. Auteur notamment de  Pays et paysages de France (Editions du Rouergue - 2006)  Aménagement des grands paysages en France (IC interface éditeur- 2015), Grands paysages du gaullisme 2018.

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