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Clément Gaillard
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Designer, docteur en urbanisme. Fondateur du burau d'études Freio, spécialisé dans le design climatique, il s'intéresse aujourd'hui à la question des îlots de fraîcheur.  Il conçoit à partir du climat et accompagne les concepteurs et les collectivités afin de mieux intégrer le climat dans les projets d'architecture.

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Peux-tu te présenter ?

Je m'appelle Clément Gaillard, je suis urbaniste et designer. Je suis spécialisé dans la lutte contre ce qu'on appelle l'îlot de chaleur urbain (ICU) (1) et toutes les techniques de rafraîchissement dites “passives”, qui fonctionnent avec des systèmes simples ou des phénomènes naturels. À la base, j'ai plutôt une formation de designer liée à l'aménagement d'espaces intérieurs. Après, au fur et à mesure, je me suis spécialisé sur le sujet de la “conception bioclimatique”, (2) la prise en compte du climat et la lutte contre l'îlot de chaleur. J'ai fait une thèse portant sur l'histoire de la conception bioclimatique en France et aux États-Unis durant la seconde moitié du XXème siècle. 

Quel a été ton parcours d'études ?

J'ai fait une classe préparatoire en design et art, donc plutôt centré sur une formation artistique. Ensuite, j'ai intégré l'École Normale Supérieure de Cachan, qui est une école qui forme au métier de chercheur et de professeur. J'ai pu faire un double parcours. J'ai fait ce qu'on appelait un DSAA, donc Diplôme Supérieur en Arts Appliqués, à Vitry-sur-Seine (3), qui s'appelle Alternatives Urbaines. Et dans cette formation, j'ai été au contact de gens  comme Patrick Bouchain. On est allé travailler à Notre-Dame-des-Landes pour faire des relevés de cabanes avant les destructions. Très tôt, j'ai été sensibilisé à ces sujets de conception liés en matériaux écologiques et à l'anthropocène (4) aussi. Ce sont des notions que j'ai eues assez tôt dans mes études. Puis, j'ai passé le concours de professeur en école de design avec l'agrégation. Ensuite, j'ai fait deux années de philosophie pour approfondir la question de la philosophie des techniques (5). Au bout d'un moment, j'ai complètement abandonné la philosophie parce que je trouvais que ça ne répondait pas du tout à mes attentes, et je me suis orienté vers quelque chose de beaucoup plus pragmatique à mon sens en faisant une thèse en urbanisme sur de sujets très concrets, liés à la conception, aux choix des matériaux, à l’implantation des bâtiments. En termes de méthodologie, surtout, je suis allé à la rencontre d'architectes, d'urbanistes, de techniciens. Le moment de la thèse a été un gros changement, j'ai vraiment commencé à aborder des questions d’un nouveau point de vue et je suis très heureux d’avoir effectué ce changement maintenant.

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Figure 1.  Patrick Bouchain(1945), Patrick Bouchain, né le 31 mai 1945 à Paris, est un architecte, urbaniste, maître d'œuvre et scénographe français. Il a pratiqué avec l'agence Construire, qu'il a fondée en 1986, une architecture « HQH ». C'est un pionnier du réaménagement de lieux industriels en espaces culturels.

​2.  La conception bioclimatique a pour ambition de maximiser l'utilisation du climat pour offrir un confort et une ambiance globale confortable (thermique, visuelle, olfactive) au fil des saisons, d'assurer santé et bien-être ainsi qu'une bonne qualité d'usage du bâtiment.

3.  Le DSAA (diplôme supérieur d’arts appliqués) Alternatives urbaines est un master de design qui prépare les étudiants aux métiers de l’architecture, du paysage et de la scénographie en se donnant pour ambition de participer activement à l’émergence de quelques urbanités alternatives. Il amène ces étudiants concepteurs à s’interroger sur des dispositifs spatiaux et relationnels permettant aux usagers de construire de nouvelles autonomies à l’échelle du voisinage, de la rue ou du quartier. Guidé par quelques notions fortes telles que la convivialité et l’autonomie, la qualité constructive de l’architecture, l’équité et la diversité sociale, l’attention portée aux milieux et la sobriété énergétique, le DSAA Alternatives urbaines explore des manières délicates d’habiter la surface de la Terre qui prennent au sérieux le réchauffement climatique en cours et ses conséquences.

4. Anthropocène : L'Anthropocène est une nouvelle époque géologique qui se caractérise par l'avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques. C'est l'âge des humains ! Celui d'un désordre planétaire inédit.

5.  La philosophie de la technique est la partie de la philosophie qui s'intéresse à la technique ou technologie, c'est- à-dire à sa nature, à ses rapports avec l'Homme.

Quelle est ton activité principale ?

 

Je suis consultant sur des sujets qui sont liés à la prise en compte du climat dans la conception. Soit de l’assistance sur la conception de certains plans masse, en fonction de l’ensoleillement, du vent, du confort thermique extérieur et intérieur, soit je travaille avec des particuliers sur des sujets d’aménagement de maison ou de design avec en toile de fond la Low-Tech (6) et les systèmes de rafraîchissement. 

Il m’arrive également d’être contacté par des promoteurs immobiliers à l’échelle urbaine. 

Mon activité est assez diversifiée car le climat est une notion que tout un chacun aborde sous des angles différents. Certains sous l’angle réglementaire, d’autres sous l’angle du problème du vent, d'autres sous l'angle de l'autonomie énergétique.

 

Quelles sont tes échelles d’analyse ? En quoi l’échelle d’action a-t-elle un impact sur le rafraîchissement climatique ?

L’échelle d’analyse est une notion compliquée car à l’échelle urbaine, sur un plan masse par exemple, les préconisations climatiques que je vais émettre vont avoir un impact minime par rapport à d’autres contraintes, comme les contraintes foncières, les contraintes réglementaires liées aux prescriptions du PLU (7). Cependant à l’échelle urbaine, on a plus d’impact qu’à l’échelle de la parcelle. Le problème, c’est qu’aujourd’hui dans le projet urbain les questions climatiques sont un tout petit détail dans l’élaboration d’un plan masse, les préconisations que je vais émettre ne sont pas forcément prises en compte. 

Avec un particulier, le client va être plus libre dans ses choix, il peut assumer de vivre de manière complètement autonome en mettant le chauffage le moins possible et en supprimant la climatisation, mais cela dépendra du niveau d’engagement de la personne. Lorsqu’on travaille avec des experts de la construction, promoteurs ou urbanistes, on sent très souvent un décalage entre le discours sur l’adaptation au changement climatique et la pratique car les solutions sont perçues comme trop expérimentales ou trop chères.

6. La ou les low-tech, littéralement basses technologies, désignent une catégorie de techniques durables, simples, appropriables et résilientes.

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Tu es urbaniste et designer, ce qui n’est pas très commun , comment ces deux activités se nourrissent-elles l'une de l'autre ?

Je jongle principalement sur les différentes échelles sur des phases d’étude ou de conception. En termes de conception, ce sont des choix assez simples à faire. La question du climat s’aborde généralement d’un point de vue national ou international, selon les analyses du GIEC (8) avec de gros modèles de calcul. 

Selon moi, ce qui est important lorsqu’on s’intéresse à la conception bioclimatique, c’est de comprendre qu’il y a plusieurs échelles de climat qui s’imbriquent les unes dans les autres, une pièce d’un bâtiment peut être un microclimat particulier.  

En tant que designer et urbaniste, j’essaie de me dire à chaque fois, que je conçois des microclimats locaux à différentes échelles avec différents outils. Par exemple, lorsqu’on se place dans une pièce, l’intérêt est d’être “hors d’eau et hors d’air”, on va pouvoir contrôler le climat beaucoup plus finement que lorsqu’on se situe dans un environnement urbain contraint par une multitude de facteurs. À l'échelle urbaine, l’espace peut-être complètement ouvert aux brises et au vent, la marge de manœuvre est donc moindre. Ce qui m’importe c’est donc de travailler à plusieurs échelles et sur des microclimats caractérisés.


Tu travailles aussi avec des architectes à l'échelle du bâtiment ?

 

Je suis assez rarement consulté par des architectes. J’ai le sentiment que les éléments liés à la conception climatique sont vécus parfois comme des contraintes par les concepteurs et trop souvent je suis sollicité trop tard dans la conception du projet. Si le plan masse est déjà figé, les pièces et le plan du bâtiment déjà orienté, je ne peux pas faire grand chose, la contrainte est trop importante. Selon moi, il faudrait intervenir le plut tôt possible au commencement du projet, presque dans les phases de programmation. 

 

Je pense que je suis assez peu consulté par les architectes aussi par rapport à la notion d’honoraires. Si on commence à faire intervenir les bureaux d’études trop tôt dans les projets, alors, on rogne sur les honoraires aussi de l’architecte. Cela pose aussi une grande question sur l’argent qu’on consacre globalement à la conception. Par exemple, sur des questions d’études liées à l’analyse bioclimatique du projet, on pinaille sur 1000 ou 2000 euros alors que le projet vaut plusieurs millions d’euros. Ces détails de conception ne sont pas anodins et vont avoir des conséquences importantes sur la poursuite du projet, sa gestion, son coût global et environnemental. Personnellement, j’essaie de dépasser mon rôle de bureau d’études, je préfère m’engager à fond dans l’idée de conception. J’essaie d’utiliser des outils qui sont assez souples pour pouvoir revenir plusieurs fois sur l’étude. Lorsque je fais de l’ensoleillement, je peux modifier certains paramètres assez rapidement et dialoguer pendant la conception.

Que signifie : réaliser une étude d'ensoleillement ?

Aujourd'hui, il y a plein de logiciels qui permettent d'étudier l'ensoleillement. A savoir, la quantité d'énergie solaire qui va arriver sur une surface, soit une façade, soit une place, par exemple. Il y a des logiciels plus ou moins perfectionnés. Le problème qu’on rencontre c’est que plus le logiciel est perfectionné, plus la maquette 3D va être difficile à faire évoluer. Lorsqu’on réalise un plan masse, on a déjà intégré le maillage et on ne peut plus rebouger facilement le dessin, il est nécessaire de reprendre tout le processus. Selon moi, il faut trouver un bon compromis entre un logiciel qui soit suffisamment souple pour évoluer et une bonne rigueur. 

Je vois un autre problème important aussi dans la conception, c’est qu’on a tendance à avoir une confiance aveugle dans les simulations numériques et surtout en thermique. La technicité de l’outil, nous fait perdre le bon sens pratique de la conception, un savoir-faire pragmatique à retrouver pour ne pas se cacher derrière des données numériques.

Figure 3. Projet de transformation d'un ancien château en habitat partagé low-tech à Nantes.

8. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat

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Pourquoi t’es-tu intéressé à la question du réchauffement climatique ?

Pendant mes études, j’ai été très rapidement fasciné par l’écologie et le climat, perçu comme un système interconnecté, avec des espèces en interaction avec d’autres espèces. L’énergie solaire arrive, cela crée des cycles qui sont liés à des éléments, le carbone, le phosphore, l’azote…J’ai toujours été très intéressé par le lien qui peut exister entre une entité et son environnement. 

 

L’idée de s’intéresser au réchauffement climatique et à la surchauffe urbaine vient du fait qu’on a construit des villes un peu sans se préoccuper du climat. Les êtres humains se sont dit que le climat n’allait pas du tout influencer nos modes de vie, nos manières de construire, mais ce n’est pas du tout le cas. 

 

Le changement climatique nous a fait prendre conscience que le climat est une condition qui impacte de plus en plus nos activités agricoles, nos modes de vie, le tourisme. Nous sommes en train de redécouvrir collectivement que le climat est une contrainte. Je trouve cela très intéressant, car nous reprenons conscience que nous appartenons à un système climatique plus vaste qui n’est pas du tout linéaire, mais qui fluctue et qui nous dicte maintenant de nouvelles règles. Par exemple, au mois d’octobre 2023 nous avons eu des températures qui sont presque équivalentes à celles d’un mois de juin ou de juillet. Nous nous rendons compte que les bouleversements climatiques ne sont pas du tout linéaires. Il ne s’agit pas juste des saisons qui s’allongent de plusieurs jours, mais de situations complètement aberrantes, comme des mois d’octobre qui ressemblent à des mois de juin. 

Que répondre aux climatosceptiques ?

Il faut analyser leurs arguments, certains peuvent paraître scientifiques, par exemple, lorsqu’on parle d’un changement d’activité solaire, cependant il y a des preuves scientifiques qui énoncent qu’il ne s’agirait pas d’un changement d’activité solaire. Il y a d’autres arguments liés à nos manières de mesurer les données. Concernant les îlots de chaleur urbain, nous mesurerions trop proche des villes qui elles-mêmes surchauffent..

 

A titre personnel, je suis assez sensible au fait qu’on entend un discours sur le changement climatique qui est trop catastrophique. Il ne faut pas le cacher, il existe un commerce autour de la crise climatique.

 

Selon moi le catastrophisme climatique est trop démobilisant, souvent cela crée de l’émotion pour pouvoir vendre des produits et des services. Objectivement c’est le chaos du point de vue climatique, c’est évident, mais je ne pense pas qu’il faille mobiliser les gens par l’émotion et la peur.

Peux-tu nous parler de ton travail de thèse, intitulé : « Moduler le climat : genèse, développant les significations de la conception climatique en architecture entre 1947 et 1986 »(9), sous la direction de Sabine Barles ?  

Je voulais approfondir l’histoire récente des contraintes climatiques et comprendre par la recherche comment les concepteurs ont pris en compte le climat dans les projets au XXième siècle. 

J’ai donc effectué ma thèse sous la direction de Sabine Barles (10), ingénieur et urbaniste au CNRS qui travaille surtout sur l’histoire des techniques et essaye de comprendre comment les dispositifs techniques influencent nos modes de vie. Sabine Barles, travaille aussi spécifiquement sur les métabolismes urbains, elle essaye de comprendre les systèmes urbains, moins du point de vue de la forme urbaine que de la matière et des flux qui les traversent. Cette science analyse comment les villes vont capter des matières, capter des énergies et les transformer, les dégrader. Je trouve cette approche fascinante car elle nous montre des évènements que nous ne percevons pas au premier coup d'œil. Nous ne percevons pas les flux de matières, l’empreinte matérielle d’une ville en termes de consommation de tomates par exemple.

Lorsqu’on étudie le poids économique et environnemental des choses, on se rend compte qu’une ville a un impact très important. 

Sabine Barles a eu une influence décisive sur mon travail de thèse en m’encourageant à aller rencontrer des gens, à récolter des témoignages. J’ai pris cette invitation au pied de la lettre et pendant deux ans, je suis allé rencontrer beaucoup d’architectes, d’ingénieurs en France qui ont travaillé sur les sujets de conception bioclimatique. J’ai récolté beaucoup de témoignages de concepteurs âgés qui avaient œuvré dans les années 1970-1980. Je me suis aussi fait des amis car ce sont des gens très sympathiques. J’ai pu aussi récolter pas mal d’archives qu’eux mêmes avaient récoltés tout au long de leur vie afin de les analyser et de les décrire. 

On a parfois l'impression aujourd’hui de découvrir ces travaux alors que des personnes ont déjà travaillé sur ces sujets au XXème siècle. Ce phénomène d’amnésie collective est un peu gênant et j’essaie de lutter contre cela.

Quels sont les scientifiques qui t’ont inspiré ?

Deux climatologues m’ont particulièrement intéressé. Le premier s’appelle Rudolf Geiger (1894 - 1981) (11), c’est un climatologue allemand qui a travaillé sur la modification de la classification des climats : la classification Köppen-Geiger (12). Il rédige un ouvrage intitulé : The Climate near the ground (13). Selon lui, nous étudions seulement le climat au travers de grosses masses atmosphériques, cependant les êtres humains ressentent le climat à partir du sol, dans une couche d’air finalement très mince. Ce traité permet d’adapter la science du climat à une vision très pragmatique avec des applications concrètes sur l’agriculture par exemple. 


Le seconde influence a été Helmut Erich Landsberg (1906 - 1985) (14), climatologue également, qui a tenté de diffuser la microclimatologie auprès des architectes

Est-ce que tu peux nous définir ce que c'est un ICU ?

L’îlot de chaleur urbain (ICU) décrit la différence de température entre la ville et la campagne. Lorsqu’on regarde l’évolution de la température dans une ville par rapport à la campagne, on se rend compte que la ville va avoir à tendance à surchauffer pour atteindre un maximum vers 16h ou 17h, alors qu'à la campagne la température va descendre progressivement pendant la nuit, car le phénomène d’évapotranspiration (15) est beaucoup plus fort. En ville, le système urbain va avoir tendance à piéger la chaleur, on parle souvent de “surchauffe urbaine”. 

 

L’effet de l’îlot de chaleur est un phénomène plutôt nocturne, la nuit la ville va piéger la chaleur qui va avoir du mal à s’éliminer. Pendant les périodes de canicule la ville va avoir tendance à se charger et il faudra plusieurs jours, voire plusieurs semaines pour décharger cette chaleur. 

 

Lutter contre les îlots de chaleur nécessite de penser de manière globale, nous ne pourrons pas régler le problème en intervenant ponctuellement. Pour agir sur un climat local, il faut agir sur plusieurs dizaines de kilomètres, avec les interventions sur l’espace public, on peut ponctuellement améliorer le confort thermique localement, mais on ne lutte pas vraiment contre la surchauffe urbaine. Pour lutter contre les îlots de chaleur, il faudrait arrêter de construire des villes et replanter des forêts. 

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9. Clément Gaillard. Moduler le climat: genèse, développement et significations de la conception bio-climatique en architecture (1947-1986). Géographie. Université Panthéon - Sorbonne - Paris I, 2022. Français.

10. Sabine Barles, née en 1965, est une professeure et chercheuse française. Urbaniste - prospectiviste et ingénieure en génie civil, elle est spécialisée dans l’étude du « métabolisme urbain »(étude des flux d’énergie et de matière dans les environnements urbains), de l'écologie territoriale et des « trajectoires socio-écologiques » des sociétés urbaines sur le long terme, notamment aux échelles administratives, par exemple des régions et départements

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11.  Rudolf Oskar Robert Williams Geiger (24 août 1894 – 22 janvier 1981) était un météorologue et climatologue allemand. Il était le fils de l'indologue Wilhelm Geiger et le frère du physicien Hans Geiger. Il a travaillé avec Wladimir Köppen sur la climatologie, d'où la classification climatique de Köppen-Geiger.

12.  La classification de Köppen est une classification des climats fondée sur les précipitations et les températures.

13.  Date de publication originale : 31 décembre 1941. Auteur : Rudolf Geiger

14. Helmut Erich Landsberg (1906-1985) figure importante de la météorologie et des sciences atmosphériques dans l'éducation, la fonction publique et l'administration. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages remarquables, notamment dans le domaine des particules et de leur influence sur la pollution de l'air et la santé humaine.

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Figure 6. Helmut Erich Landsberg

15. Le concept d’évapotranspiration est créé en 1948 par un géographe climatologue des USA, Thornthwaite. L'évapotranspiration désigne le processus par lequel l’eau liquide terrestre est renvoyée dans l’atmosphère environnant sous forme gazeuse. Cette eau provient de la sublimation de la neige, de l’évaporation de l’eau libre ou contenue dans le sol, et d’autre part de la transpiration des plantes. 

Figure 7. Recherches graphiques pour le système d’évaporation. Crédit photo : Clément Gaillard (Freio)

Si nos interventions ont un impact minime sur la surchauffe urbaine, quelles sont les stratégies à adopter pour lutter contre les ICU ?

Si on veut lutter contre l’îlot de chaleur urbaine, il faut adopter une stratégie à grande échelle, à l’échelle quasiment du paysage. Nous pourrions prendre en compte la direction des vents. Si une ville est favorablement exposée, on pourrait se débrouiller en amont pour installer des forêts et des espaces naturels plutôt que des zones industrielles et commerciales, pour faire en sorte que les masses d’air qui se déplacent viennent rafraîchir la ville. 

 

Il faut aussi arrêter de raisonner seulement en termes de température de surface. Lutter contre l’îlot de chaleur, c’est surtout créer des espaces de fraîcheur qui vont jouer le rôle de refuge collectif accessibles pour les populations lors des périodes caniculaires.

Serait-il possible de penser une ville nouvelle qui ne générerait pas d'ICU ?

Bien-sûr, après est-ce que ce serait une ville praticable, agréable à vivre…Je ne suis pas certain. Il y a un côté un peu démiurgique et anachronique, surtout si on établissait un ensemble urbain de zéro.

Par contre, il est certain qu’on peut planifier climatiquement de manière cohérente. Un des plus grands exemples est la ville de Chandigarh (16) en Inde. On pense trop souvent que la ville a été conçu par Le Corbusier, mais il n’a fait que récupérer un projet porté par l’architecte américain Albert Mayer (1897 - 1981) (17). Au moment de la conception urbaine, Albert Mayer avait eu l’intelligence de mobiliser des sociologues et des climatologues, comme Helmut Erich Landsberg qui a travaillé sur le plan masse de la ville, l’emplacement des grands équipements etc…Lorsque Le Corbusier et Pierre Jeanneret reprennent le projet, le plan masse avait déjà été calé et bien conçu.

16. Chandigarh est une ville nouvelle construite après l'indépendance de l'Inde en 1947. Elle est internationalement réputée pour son urbanisme. Le plan de la ville a été préparé par Le Corbusier à partir d'un plan précédent d'Albert Mayer. La plupart des édifices de la ville ont été imaginés par Pierre Jeanneret, Jane Drew et Maxwell Fry. 

17.  Albert Mayer (1897 - 1981), urbaniste et architecte américain. Il est bien connu pour sa contribution au développement de nouvelles villes américaines et pour ses travaux de planification innovants en Inde, notamment le plan directeur de Chandigarh, la nouvelle capitale du Pendjab indien. Mayer a exercé la profession d'architecte à New York après 1935, d'ingénieur en poste en Inde pour l'armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale, et de planificateur et consultant après la guerre.

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Figure 8. Albert Mayer (1897 - 1981)

Figure 9. Plan urbain de Chandigarh, Inde.

Chaque ville, chaque territoire, chaque pièce possède son propre climat. Comment prendre en compte cette grande diversité dans ton travail ?

 

C’est une question passionnante. Il y a plein de microclimats différents et chaque construction possède sa spécificité, le plus important est d’avoir des retours d’expériences. On peut faire toutes les simulations possibles, au-delà des mesures le plus important reste le retour d’expérience. On manque beaucoup de ce retour d’expérience, on le retrouve dans certains colloques professionnels. L’ADEME (18) a réalisé un travail remarquable de synthèse des retours d’expériences. Après il y un travail par analogie qui peut exister aussi entre des climats similaires. Par exemple, on retrouve le climat méditerranéen sur la côte ouest des États-Unis. Après on peut réaliser des analyses purement physiques ou météorologiques lorsqu’on analyse des fichiers météo pour essayer de comprendre le climat. En France, les fichiers météorologiques ne sont pas forcément accessibles, il y a le site Infoclimat (19) qui permet de récupérer pas mal de données, mais très souvent les données météorologiques proviennent des États-Unis qui ont diffusé de manière gratuite des données. 

Lorsqu’on récupère les données, l’important est de connaître le contexte environnant de la prise de données, au regard du vent, au regard des éléments proches. Il ne faut pas croire qu'une donnée météo est absolue, la méconnaissance du contexte peut conduire à des aberrations.


En France, la plus vieille station météorologique est située dans le parc Montsouris (20) à Paris, elle enregistre les données depuis 1873. Il ne faut surtout pas changer l’environnement proche de la station, car cela changerait le contexte des données et on fausserait toute la démarche scientifique.

18. Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

20. Protégée derrière un enclos, est installée depuis 1873 la plus ancienne station météorologique de France. La station Montsouris enregistre sans interruption les paramètres météorologiques depuis plus de 140 ans. Les services techniques de Météo France ont déménagé à Saint-Mandé (Val-de-Marne) en 2011 mais les instruments de mesure ( pluviomètre, baromètre, thermomètre, anémomètre pour mesurer la vitesse du vent à 25 mètre du sol) continuent de transmettre leurs données à distance

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Comment faire pour monter tous en compétence, particulièrement les acteurs de la ville sur ces questions de rafraîchissement urbain ?

 

Il faut commencer par regarder le ciel. Apprendre à regarder de nouveau les choses simples, comme les plantes par exemple. Par exemple, une plante a besoin d’énergie solaire pour la photosynthèse. 

 

Le climat renvoie a des choses très évidentes qu’on a tendance parfois à oublier. Au XXième siècle on trouvait encore des petits manuels à destination des agriculteurs pour essayer de deviner visuellement l’évolution de la météo en fonction des nuages, du vent. C’est du bon sens qu’on a eu tendance à perdre en essayant d’uniformiser les ambiances thermiques. Au fur et à mesure du XXième siècle l’être humain s'est habitué à vivre dans des espaces intérieurs chauffés et climatisés et il a perdu une certaine sensibilité thermique et donc une forme résistance au changement de température. 

 

La notion de climat ne peut être comprise qu’à partir d’un point de vue physique. On parle de chaleur en ville, mais on peut aussi apprécier un climat ensoleillé, parce qu’il nous procure une forme de bien-être, nous ne pouvons pas tout résumer à des calculs énergétiques. 

 

L'ingénieur Steve Bear nous a montré que si l'on essaie de comprendre le plaisir que nous procure un ciel étoilé juste avec la quantité d’énergie émise, on ne comprend rien du tout, parce que la beauté d’un ciel étoilé ne peut se résumer à la quantité d’énergie qu’il émet. 

 

Lorsqu’on s’intéresse au climat, il faut considérer l’aspect physique et psycho-sociologique liés aux affects des personnes. Cela est très perceptible lorsqu’on parle du confort thermique en entreprise par exemple, où l’on se rend compte que la perception du confort thermique est aussi liée à la position hiérarchique dans l'entreprise.

 

Quelles sont les influences architecturales qui t’on marqué ?

J’ai beaucoup été influencé par les architectes s’intéressant à la question du vernaculaire. C’est-à-dire, une architecture ancrée dans un territoire et répondant à un climat. Personnellement, j’ai été beaucoup influencé par l’architecte égyptien Hassan Fathy (1900 - 1989) (21), qui a travaillé sur la terre crue et qui a écrit ce livre incroyable, intitulé “Construire avec le peuple”. Dans ce livre, il développe une pensée expliquant pourquoi la terre crue est un matériau intéressant, certes du point de vue thermique, mais aussi du point de vue social parce qu’elle valorise les savoir-faire. Hassan Fathy a imaginé tout un système de formation, un peu similaire au compagnonnage avec des jalons et des grades. Les chantiers de construction du village de Gournah en Égypte étaient des occasions pour former des apprentis maîtres maçons à la terre crue.

En France, je me suis passionné pour le travail de l’architecte André Ravéreau qui a travaillé sur la casbah d’Alger, c’était quelqu’un de très intéressant que j’ai eu l’occasion de rencontrer trois fois. C’était un monsieur tout petit ancien élève d'Auguste Perret (1874 - 1954). Ce qui l’avait marqué, c’est qu’au lieu de parler de style, Auguste Perret demandait à chaque fois aux étudiants comment leurs maquettes étaient conçues….Je suis resté marqué par cette sensibilité, d’essayer de comprendre comment sont conçues les choses qui nous entourent.


L’architecte Roland Simounet (1927 - 1996) (22), m’a aussi grandement inspiré dans son travail sur les écoulements des eaux pluviales et la récupération des eaux de pluie d’un point de vue architectural. Dans ces projets, l’architecture elle-même est pensée pour l’écoulement des eaux de pluie avec des chéneaux, des bacs de récupération en pied de murs etc.

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Tu viens de sortir un livre intitulé : “Une anthologie pour comprendre les low-tech”  chez T&P Publishing, peux-tu nous parler de cette notion ?

 

Ce livre est une anthologie, c’est-à-dire une sélection de textes sur la notion de “Low Tech”. L’idée était de répertorier et de mettre en avant les travaux de recherche qui avaient déjà été réalisés sur le sujet au cours du XXième siècle. Quand on parle de Low Tech, on parle de techniques ou de technologies qui vont être durables, facilement réparables et qui vont mobiliser peu de ressources. Certaines techniques sont vertueuses selon plusieurs points de vue. 

Ce qui m'intéresse, c’est que l’objet Low Tech est un objet situé qui s’intègre dans son environnement et dans son contexte plus global comme le climat. Par exemple, lorsqu’on s’intéresse aux systèmes de rafraîchissement ou de chauffage, le plus passif reste les systèmes simples qui mobilisent l’ensoleillement, la circulation d’air. 

 

L’idée de ce livre est aussi de s’intéresser à l’histoire de cette notion, que l’économiste Ernst Friedrich Schumacher (23) nommait dans les années 1970, sous le concept de “technologie appropriée” (24). A cette époque, on entendait par "approprié" le fait qu'une technologie soit appropriée à un site, un contexte économique et social. Le Low tech est aussi quelque chose de profondément politique, cela concerne tout ce que l’on oppose à la notion de “High Tech”. L’idée du Low tech est de se dire qu’on va essayer de fabriquer un objet qui va être un moindre mal. L’objet ne sera pas hyper performant, pas hyper efficace en termes de rendement par contre, on va pouvoir facilement le réparer. 


Il y a un équilibre à trouver entre exigence de performance, réparabilité et efficacité des outils. En fait, ce raisonnement Low-Tech, nous le retrouvons un peu partout dans l’histoire. Je pense en particulier à l’architecte français, François Cointeraux (1740 - 1830) (25), qui dans son Précis d'architecture rurale (26) parlait déjà de Low Tech en disant qu’effectivement le pisé n’était pas génial par rapport à la pierre car il faut une mise en de grande épaisseur, par contre thermiquement, cette épaisseur apporte de la performance.

21. Il est devenu un des architectes les plus marquants de sa génération, en Afrique, en démontrant qu'il est possible de construire pour les pauvres et enseignant aux gens à construire pour eux-mêmes. Pour lui, la tradition vernaculaire est fondamentale

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22. Roland Simounet est un architecte français. L’expérience qu’il a acquise dans de relogement des bidonvilles d’Algérie lui a permis de réussir, tout au long de sa carrière, à concilier architecture et urbanisme, modernité et tradition vernaculaire, ainsi que de construire partout des milliers de logements, souvent sociaux, et quelques équipements (écoles, musées) avec un humanisme déclaré et un sens certain du devenir social des villes contemporaines.

Figure 12. HLM Saint-Denis, France; 1977-82 Roland Simounet. Le Moniteur; Paris (1997).

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Figure 13. Ernst Friedrich Schumacher

23. Ernst Friedrich « Fritz » Schumacher (1911-1977) est un économiste britannique, d'origine allemande. On lui doit d'avoir popularisé en 1973 l'expression Small is beautiful de son maître Leopold Kohr.

24. La technologie appropriée ou intermédiaire est un mouvement idéologique initié par l'économiste Ernst Friedrich Schumacher 

25. François Cointeraux (29 septembre 1740 à Lyon - 13 mai 1830 à Paris) est un inventeur et architecte français, spécialiste de la construction en pisé et inventeur de l'agritecture. projet d’architecture bioclimatique de François Cointeraux « architecte-maçon ».

26. L’école d’architecture rurale, ou Leçons par lesquelles on apprendra soi-même à bâtir solidement les maisons de plusieurs étages, avec la terre seule ou autres matériaux les plus communs et du plus vil prix, Paris : l’Auteur, 1790, 52 p. Paris.

Retranscription : Antoine Basile, architecte des patrimoines.

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