Ghislain Maetz
Fondateur de l'entreprise Terre Crue, Ghislain Maetz est artisan en rénovation du patrimoine en terre crue et en pierre. Spécialisé dans la bauge il exerce en Ille-et-Vilaine à Saint-Germain-sur-Ille. Au travers de sa pratique, il s'emploie à entretenir le patrimoine en terre crue breton en perdurant les savoir-faire.
Peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Ghislain Maetz. Je suis artisan maçon et dirige une entreprise de maçonnerie spécialisée, EIRL Terre Crue en Ille-et-Vilaine.
Je suis artisan et j'exerce en Bretagne, plus précisément en Ille-et-Vilaine, à Saint-Germain-sur-Ille, à 20 minutes de Rennes. Mon entreprise, qui existe depuis dix ans, emploie douze personnes. Nous intervenons principalement sur des bâtiments en bauge, mais nous utilisons également d'autres techniques, comme l'adobe, le torchis, le pisé et, bien sûr, la réalisation d'enduits.
Quelle technique de construction utilises-tu principalement ?
La technique locale que j'utilise principalement est la bauge, qui est ma méthode de construction de prédilection. Cependant, je travaille également avec du torchis et de l'adobe.
La bauge est une technique de construction en terre crue qui utilise un mélange de terre, d'eau et de fibres végétales pour créer des murs massifs. Ce matériau, compacté dans des coffrages, offre une excellente isolation thermique et acoustique. Utilisée depuis des siècles dans de nombreuses régions, la bauge permet de réaliser des structures solides, durables et écologiques. Sa mise en œuvre nécessite un savoir-faire particulier pour bien doser les ingrédients et garantir la stabilité des murs. Cette technique traditionnelle est particulièrement adaptée aux constructions rurales et aux bâtiments nécessitant une forte régulation thermique.
Comment en es-tu venu à t'intéresser à la construction en terre crue, et plus particulièrement à la technique de la bauge ?
Mon intérêt pour la terre est né en restaurant des maisons. Je tombais souvent sur des murs en terre, utilisés à la place du plâtre, ce qui m'intriguait énormément. J'ai donc décidé de me former sur cette technique. Au début, je ne savais pas comment en faire mon métier, mais j'ai eu la chance de rencontrer d'autres artisans qui m'ont transmis leur savoir-faire.
Qu'est-ce qui te plaît dans la pratique de la terre ?
Ce que j'apprécie dans la terre, c'est avant tout qu'elle soit littéralement sous nos pieds. C'est un matériau qui, au fond, semble évident. Utilisé depuis le néolithique pour l'habitat, il a traversé les âges. C'est aussi un matériau très convivial, qui favorise des relations humaines authentiques. Pour moi, la terre est à la fois un matériau social et ludique.
Figure 1. Mazeimard, lieu de rencontre et de partage © atelier géminé 2024.
La mise en œuvre de la terre crue renvoie à une dimension humaine et relationnelle sur les chantiers. Est-ce que tu ressens aussi cette dimension, et comment la vis-tu ?
Aujourd'hui, la terre fait peut-être partie de mon ADN. Je ne sais pas vraiment comment décrire ce que je ressens en travaillant avec ce matériau, mais ce que je vois, c'est qu'il permet de créer du lien entre les gens.
Peux-tu nous expliquer ce qu'est la bauge et comment elle est mise en œuvre ? D'un point de vue technique, quel est ce matériau, comment l'utilise-t-on ?
La bauge est une technique monolithique qui utilise principalement de la terre, parfois enrichie de fibres comme de la paille, mais aussi parfois du branchage ou d'autres éléments disponibles sur place. L'idée est d'utiliser ce qu'on a sous la main. Pour ma part, j'ai adapté cette technique en m'inspirant de méthodes anciennes, notamment du caillebotis, qui consiste à préparer la bauge sur place en formant des briques molles. Ces briques sont ensuite envoyées sur le mur, tassées et découpées au fur et à mesure de la montée du mur.
La consistance de la bauge est plutôt plastique. L'objectif est d'obtenir une certaine souplesse, sans trop de viscosité.
La bauge est une technique de construction en terre crue qui utilise un mélange de terre, d'eau et de fibres végétales pour créer des murs massifs. Ce matériau, compacté dans des coffrages, offre une excellente isolation thermique et acoustique. Utilisée depuis des siècles dans de nombreuses régions, la bauge permet de réaliser des structures solides, durables et écologiques. Sa mise en œuvre nécessite un savoir-faire particulier pour bien doser les ingrédients et garantir la stabilité des murs. Cette technique traditionnelle est particulièrement adaptée aux constructions rurales et aux bâtiments nécessitant une forte régulation thermique.
Lorsque tu arrives sur un chantier, comment procèdes-tu ? Quels éléments observes-tu en priorité? Comment tu identifies les problématiques, et ensuite comment tu interviens pour y remédier ?
Quand j'arrive sur un bâtiment ancien à restaurer, je fais face à de nombreuses pathologies. Bien sûr, on connaît désormais bien les effets négatifs du ciment, qui empêche la terre de respirer et provoque son effondrement en raison de l'humidité. Ensuite, j'examine l'état des murs, souvent en prêtant attention à la charpente, ou encore aux sols, qui peuvent présenter des effondrements, surtout en Ille-et-Vilaine, où le sol est argileux et sujette à des mouvements fréquents. Ces maisons sont généralement assez tolérantes face à ces mouvements, et même si des fissures apparaissent, elles peuvent être réparées et se remettent souvent en place d'elles-mêmes. Elles ont une certaine souplesse.
Les travaux de restauration sont assez variés. Nous effectuons aussi beaucoup de réhabilitations et d'aménagements pour moderniser ces maisons tout en préservant leur histoire. Par exemple, on utilise souvent en Ille-et-Vilaine un système de "double carré", un cadre en chêne posé dans le mur, généralement autour des fenêtres. Nous avons aussi recours à l’adobe pour restaurer des murs, combler des fissures, réparer des angles ou traiter des effondrements. Parfois, nous refaisons aussi de la bauge. C’est vraiment une pratique quotidienne.
La pierre occupe également une place importante dans notre travail, car il est impossible de dissocier la pierre de la terre. Il y a toujours un soubassement en pierre qui soutient la structure. Parfois, ces soubassements sont insuffisants, et dans ce cas, nous refaisons les fondations en pierre, car il ne faut jamais que la terre soit directement en contact avec le sol.
En Normandie, par exemple, où il y a beaucoup de constructions en bauge, on voit souvent des soubassements en pierre, puis le mur en terre, et, en haut, des zones fragilisées. Souvent, elles sont réparées avec des matériaux comme le ciment ou ce qu’on trouve sur place. Toi, comment abordes-tu ce type de restauration ?
Quand il y a une pathologie à traiter, comme pour reboucher des trous ou reprendre une charpente, ou encore lorsqu'on modifie une charpente, il arrive souvent qu'il faille refaire des arases ou des empannages sur les pignons. Pour cela, on utilise un mélange un peu plus visqueux. La composition dépend de la profondeur de la zone à réparer. On peut alors utiliser de la bauge ou bien une bauge plus visqueuse pour reboucher directement ces arases, en ajustant la terre au besoin. C’est une méthode assez simple.
Si, en revanche, il faut reprendre des points de compression, notamment pendant l'hiver, pour renforcer les fermes en compression, on utilise de l’adobe, qui est déjà sec et capable de supporter ces contraintes. Dans certains cas, il peut même être nécessaire de tout reprendre en adobe, mais cela dépend des circonstances.
Les guides des bonnes pratiques de la construction en terre crue sont des documents normatifs, c’est-à-dire qui « donnent des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats ». Ils constituent une référence pour l’ensemble des professionnels concernés directement ou indirectement par le bâtiment. Ce sont des textes consensuels issus d’un processus collectif qui a réuni les différents métiers en rapport avec la construction mettant en œuvre les techniques de terre crue utilisées en construction neuve et en restauration de l’ancien.
En moyenne, combien de personnes travaillent sur un chantier de restauration et combien de temps cela prend-il ? Peux-tu nous donner un ordre de grandeur pour ce type de chantier ? Par ailleurs, y a-t-il beaucoup d’artisans spécialisés dans la réhabilitation des constructions en terre ? As-tu l’impression que ce savoir-faire est en train de retrouver sa place ?
Quand on discutait, on a remarqué que les artisans avaient chacun leurs spécialités, mais qu’ils se rassemblaient souvent en réseau pour des projets plus importants, en collaborant pour répondre aux différentes exigences. Peux-tu nous expliquer comment fonctionne ce réseau d’artisans, particulièrement en Bretagne, et en quoi il est spécifique ? Comment ce réseau autour de la construction en terre s’est-il structuré ?
Aujourd'hui, en Ile-et-Villaine, la structure, elle est assez vivante, dans le sens où j'ai 12 ouvriers, maçons, maçonnes. Je suis vraiment 50/50 aujourd'hui. Je travaille à moins de 30 kilomètres dans ma spécificité. En fait, on est de plus en plus de maçons autour de Rennes et ailleurs, j'espère, pour pouvoir répondre aux demandes locales. Souvent, quand on est appelé et que le chantier est un peu trop loin, on se renvoie les connexions pour essayer de travailler le plus proche possible. On est plutôt dans une zone d'entente cordiale, c'est-à-dire qu'on n'a pas de concurrent, on a plutôt des confrères. Donc c'est plutôt agréable à vivre tout ça.
Certains clients peuvent être réticents à l'idée de construire en terre, notamment à cause des craintes liées à l'humidité et aux risques de dégradation. En tant qu'entrepreneur, avec la garantie décennale, comment caractérises-tu ces préoccupations ? Quels sont tes arguments pour rassurer tes clients et les convaincre de la solidité de la construction en terre ?
Maintenant, je n'ai plus besoin de convaincre. Les gens sont tellement sensibilisés à la question qu'ils viennent directement vers moi pour mes compétences spécifiques. Si ce n'est pas pour cela, ça ne fonctionnera pas. Il y a un véritable lien de confiance. Nous sommes attendus et reconnus dans ce que nous faisons. Nous avons un rôle de conseil, mais uniquement si les gens viennent nous solliciter pour cela. Aujourd'hui, notre métier est très vaste, car nous exerçons des fonctions d'expertise sans en avoir l'étiquette. Les architectes nous consultent souvent, et nous recevons beaucoup de demandes. C’est un domaine très dynamique, avec de nombreuses opportunités à explorer et des métiers à créer autour de cette pratique.
As-tu observé une évolution dans ta pratique au fil des années, par rapport à tes débuts ?
Quand j'ai débuté ma pratique, il fallait convaincre les gens de choisir la terre plutôt que la chaux. Aujourd'hui, c'est l'inverse, les gens demandent plutôt de la terre. Ils ne confondent plus vraiment la chaux et la terre. Cela concerne particulièrement l'Ille-et-Vilaine, où nous avons un riche patrimoine, notamment de longères. Ceux qui viennent chercher ce type de bâtiment sont de plus en plus sensibles à ces détails, quels que soient leur environnement ou leurs convictions écologiques.
Concernant les chantiers participatifs, en tant qu'entrepreneur, est-ce que ça t'arrive d’en organiser ? Comment ça se passe en pratique ? Comment tu organises ton travail pour intégrer la participation des autres ? Comment les gens peuvent-ils te rejoindre, et comment coordonnes-tu l’ensemble ?
J'ai construit mes locaux en chantier participatif, en collaboration avec Amélie Lepaih. Cela a représenté environ quatre semaines de travail pour la Bauge, et huit semaines au total pour le projet. Nous avions en moyenne huit participants chaque semaine. Je participe régulièrement à des chantiers participatifs, notamment pour des enduits intérieurs, des enduits d'isolation, de la bauge ou du torchis. Cependant, aujourd'hui, je le fais moins souvent, car mon entreprise compte 12 salariés et je gère environ quatre à cinq chantiers par semaine, avec tout le matériel nécessaire. Je n'ai donc plus le temps ni l'énergie à consacrer à ce type de projet. Toutefois, des artisans formés par mon entreprise, comme "Terre Crue" ou d'autres, prennent désormais en charge ce genre de chantiers. Quand on me sollicite pour ce type de travail, je les dirige vers ces professionnels compétents.
Concernant l'assurabilité d'un projet, comment un artisan peut-il faire jouer sa garantie décennale lorsqu'il travaille sur un chantier participatif ?
En ce qui concerne les chantiers participatifs, il est vrai que peu d'artisans sont prêts à mettre en jeu leur décennale. Pour notre part, ce que nous proposons, ce sont des journées de formation et d'encadrement. Après, c'est au client de trouver son propre réseau. Nous avons, cependant, un certain réseau de partenaires. Le fait qu'une entreprise professionnelle ou un artisan vienne sur le chantier lui donne une certaine crédibilité et en renforce l'envergure. Il y a une forte demande pour des formations sur la terre, et beaucoup de réseaux se créent autour de cette demande. Il existe également des mouvements autour des chantiers participatifs. J'ai été assez visible dans ce domaine, mais avec le temps, d'autres acteurs en Île-et-Vilaine ont pris le relais, ce qui est très bien. Cela me convient parfaitement, car ce type de chantier est assez complexe à gérer. Toutefois, il arrive que des clients souhaitent participer à certaines tâches sur le chantier, et dans ce cas, nous sommes tout à fait ouverts à leur participation.
C'est un petit peu sur les tâches légères ?
La terre, c’est un peu tout et n’importe quoi. Ça peut être du torchis, par exemple. En fin de compte, la terre, c’est surtout une question de volonté. La Bauge peut paraître impressionnante au début, mais finalement, c’est un jeu. On y trouve son plaisir au fur et à mesure. D’ailleurs, la Bauge, c’est la seule technique de maçonnerie que je connais qui soit aussi physique, parce qu’on doit fournir des efforts assez soutenus. Mais malgré tout, c’est ludique et agréable. C’est bien plus fun que de porter des parpaings et de les monter à l’échelle. On doit toujours garder à l’esprit que, même si, parfois, on ne le voit plus à force de routine et de fatigue, il y a un côté jeu dans le travail avec la terre. Les gens viennent souvent chercher ce côté-là. En fin de compte, c’est bien plus gratifiant que de monter des placos. Et ce n’est pas gratifiant dans le sens où ça serait mieux ou moins bien, mais plutôt dans le sens où ça nourrit davantage. Utiliser un vrai matériau, sans passer par le marchand, ça a quelque chose de très enrichissant. On peut construire une maison avec une brouette, une fourche et une pelle, des outils simples, mais efficaces.
Concernant la gestion des ressources, comment faire dans une situation où toute la terre nécessaire n'est pas disponible sur place, ou si seulement un tiers du volume requis est disponible ? En Bretagne, existe-t-il des réseaux ou des points de collecte pour obtenir de la terre ou échanger des ressources ?
Pour construire en terre, la première étape consiste à vérifier la qualité de la terre disponible sur le site. Si elle n’est pas idéale, ce n’est pas grave, car il est toujours possible de trouver une solution. Par chance, autour de Rennes, il y a une grande tradition de constructions en terre, ce qui facilite les choses. Dans d’autres régions, même en Bretagne, ce n’est pas toujours le cas. Ici, on a un bon accès à la terre, car il y a beaucoup de chantiers en terre, ce qui entraîne aussi des déplacements de terre. De plus, la terre est souvent considérée comme un déchet, et il est difficile de s'en débarrasser. Donc, il est relativement facile d'en obtenir. En fait, ici, on est assez exigeants sur le choix de nos terres. Par exemple, je n'aime pas utiliser de terre avec des cailloux pour la Bauge, je préfère une terre propre, sans cailloux. Dans d’autres régions, on pourrait être moins sélectifs, car il y a moins de choix. Mais ici, on peut se permettre d’être pointilleux.
Du coup, tu te tournes vers qui ?
Ici, on se tourne principalement vers les terrassiers, mais aussi parfois vers des agriculteurs. Par exemple, un agriculteur m'a proposé de m'apporter 200 mètres cubes de terre d'un coup. Je lui ai dit : 'Oui, mais tu vas devoir m'apporter une pelleteuse pour tout ranger !' Et c'est ce qu'on a fait. Il m'est aussi arrivé de payer le transport pour la terre. En réalité, tout est possible, tant qu'on a la capacité d’accueillir la terre, c'est assez facile d’en trouver. Bien sûr, il y a toujours ces moments où, quand on en a besoin, on ne la trouve pas. Mais en règle générale, ce n’est pas un problème.
Comment déterminer si la terre est de bonne qualité ?
Pour ma part, je ne fais pas de tests systématiques. La terre que je préfère, c’est vraiment la première couche argilo-limoneuse, celle qui est en surface. Plus on descend dans le sol, plus on tombe sur des argiles réactives, plus dures et plus difficiles à travailler. On peut maçonner avec ces argiles, mais ça demande plus de travail. En revanche, la couche supérieure est beaucoup plus facile à utiliser, c'est vraiment la meilleure. Ici, on a une grande variété de teintes d'argile, mais personnellement, je préfère une argile assez sobre. Je trouve que ça correspond bien aux goûts européens.
"Quand tu parles de couches, n'as-tu pas l'impression que les terres fonctionnent de la même manière ?
Les couches de terre peuvent vraiment varier. Il faudrait en parler avec des géologues pour mieux comprendre. Parfois, en haut d'un terrain, on trouve des sols caillouteux, tandis qu'en bas, c’est plus argileux. C’est assez variable. Par exemple, ici, j'avais beaucoup de végétation. C’est un grand bâtiment en terre et j'ai dû ramener 90 % de la terre moi-même. C’est un peu frustrant, mais c'est comme ça. Parfois, c'est l'inverse, tout tombe bien.
Concernant les fibres naturelles ?
Pour les fibres, on utilise principalement de la paille. Ensuite, on peut se tourner vers d'autres sources. Par exemple, il m’est arrivé de travailler avec de la paille d’Espagne, car ici, les agriculteurs avaient des difficultés à en trouver. Mais en général, on collabore beaucoup avec les agriculteurs. Chaque artisan construit son propre réseau pour trouver les fibres, car on ne va pas chez le marchand de matériaux. C'est un système qui crée beaucoup de liens et de connexions, qui grandissent petit à petit. Et c’est vrai que, ici, cela prend de plus en plus d’ampleur.
Peut-on parler de la spécificité des chantiers en bauge ? Est-ce que tu travailles de la bauge toute l'année ou seulement pendant une période spécifique ? Quand tu ne travailles pas la bauge, que fais-tu ? Tu mentionnais que tu faisais de l'adobe avec une association de réinsertion. Comment tu gères les périodes sans chantier ?
Nous travaillons toute l'année, même si on aimerait réduire un peu notre charge de travail. La Bauge, par exemple, ce n’est pas quelque chose qu’on nous demande tout le temps. C’est plutôt une activité qui se fait au printemps et au début de l’automne. L’idéal serait de pouvoir gérer un projet en une seule fois, sans avoir à repartir sur une nouvelle saison. L'été, c’est surtout dédié aux ravalements. Ensuite, on a toujours des travaux annexes à faire, comme des réhabilitations, des ouvertures ou des interventions sur la maçonnerie. On essaie de réserver ces tâches, comme les reprises de maçonnerie sur les vieux bâtiments, pour l’hiver. Cependant, parfois, un ravalement implique des pathologies plus importantes, donc ce n’est pas seulement un ravalement, mais un travail de maçonnerie plus lourd, avec des carrés de chêne et beaucoup de maçonnerie. En réalité, il n’y a rien de mystérieux dans tout ça. On me dit souvent qu’il faut garder les enduits intérieurs pour l’hiver, mais ça ne fonctionne jamais comme ça. En fait, on est très contents de faire des enduits intérieurs, même en dehors de la saison.
Tu disais que désormais, ce sont les clients qui viennent à toi parce que la construction en terre est une spécialité. Qu'est-ce que tu pourrais transmettre à un jeune entrepreneur en bâtiment qui voudrait se lancer dans ce domaine, mais qui n'a pas encore de réseau ni de clientèle ? À partir de quel moment un projet peut-il commencer à fonctionner ?
Ce serait assez difficile pour moi de donner des conseils à quelqu'un qui voudrait se lancer dans ce domaine. L’avantage, ce qui pourrait orienter cette personne, c’est d’y croire réellement et de ne pas faire ça pour l’argent, car ce n’est pas un métier où l’on fait fortune. On fait ça avant tout parce qu’on y trouve un véritable intérêt. Et puis, bien travailler permet de retrouver d’autres chantiers. Aujourd’hui, ce qui est essentiel, c’est de bien communiquer sur Internet. C’est comme ça que ça fonctionne maintenant. Souvent, c’est un aspect que les maçons ont du mal à saisir : c’est difficile d’être à la fois un bon artisan et de maîtriser les réseaux sociaux. Quand on est entrepreneur, on est sollicité de toutes parts, on doit être bon dans de nombreux domaines. Il faut aussi savoir être bon en relationnel, pour être bienveillant avec ses ouvriers, et gérer tout un tas d’autres aspects. Que ce soit dans le travail de la terre ou autre chose, au final, c’est pareil. L’essentiel, c’est d’y croire et de savoir pourquoi on fait ce métier.