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Perraudin(s)
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Gilles Perraudin

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Peux-tu te présenter et nous dire où nous nous situons aujourd’hui ?

 

Je m’appelle, Gilles Perraudin et je suis architecte et viticulteur. 

 

Nous nous situons aujourd'hui dans le chai de Vauvert dans la région de Nîmes (1), qui est le premier bâtiment que j’ai réalisé en pierre massive, il y a un quart de siècle maintenant. Ce bâtiment est d’abord une cave viticole, et j’ai fait le choix d’utiliser des blocs de pierre massive [des pierres nobles et des rebuts de taille] pris dans les carrières historiques du Pont du Gard (2). 

 

Qu'est ce qui t’attache à cette région ? Pourquoi es-tu venu t'installer ici ?

 

Je ne suis pas originaire de la région de Nîmes, je suis venu ici par amour pour la méditerranée et par attirance pour la civilisation méditerranéenne. C’est pour moi une référence culturelle fondamentale et la cuisine, les monuments, la culture, les pensées romaines et hellénistiques m’inspirent. Je me suis passionné par la vision de la méditerranée étudiée par Fernand Braudel (3). La façon de pensée un espace restreint, tel un grand lac autour duquel tournent des civilisations aux mœurs et aux croyances différentes et qui ont la nécessité de vivre ensemble me parle profondément.

 

La méditerranée est le lieu emblématique du “vivre ensemble”. Il est impossible de vivre de façon isolée les uns des autres car il y a nécessité de partager et de commercer, il y a donc nécessairement des confrontations qui sont parfois conflictuelles, mais puissamment enrichissantes. 

 

C’est également la gastronomie qui m’a attiré ici. Le terroir, le vin, puisque le vin va aussi de paire avec la méditerranée. C’est ici qu’est née la viticulture, autour du bassin méditerranéen et c’est pourquoi j’ai décidé d’acheter quelques arpents de terre pour cultiver la vigne, faire une cave et fabriquer mon propre vin.

1. Projet du chai viticole de Vauvert, région de Nîmes. 

2. La carrière du Pont-du-Gard est située dans le Gard, la pierre du Gard est connue internationalement et est très reconnaissable avec sa couleur or paille. La pierre du Gard a été notamment utilisée dans la construction du Pont-du-Gard mais aujourd'hui elle est la pierre de référence pour la construction de cave viticole ou de chais dans l'hérault et dans le Gard.

3. Fernand Braudel,

La Méditerranée. L'espace et l'histoire, 1977

Portulan de la Méditerrannée et de ses côtes de Joan Oliva sur parchemin (1593), en bleu l

Qu’est-ce qui t’a poussé à exercer le métier d’architecte ? Avais-tu des prédispositions familiales, des gens dans ton entourage t’ont-ils encouragé dans cette voie?

 

Il n’y a pas d’architectes dans ma famille, mais si je me penche sur mon enfance, tout me relie à l’architecture.

Je suis né au sein d’une famille paysanne et j’adorais travailler avec mon grand-père qui m’a enseigné, lorsque l’hiver nous condamnaient à rester dans l’étable avec les vaches, la confection des paniers. Cet apprentissage a été une expérience unique qui m’a permis, afin de comprendre comment fabriquer une forme à partir d’une matière locale issue de branches de noisetier (4), soigneusement pelées et dénudées par les mains de mon grand-père. Nous fabriquions des paniers à partir de grandes lanières d’écorce pelée sur la tige du noisetier. Avec la tige dénudée nous créions la structure. Puis nous tissions ces lanières sur la structure.  Cette peau qui durcissant l’objet, nous permettait de l’utiliser dans tous les travaux de la ferme. Pour les légumes au jardin ou bien les pommes de terre. Les vieux paniers finissaient immanquablement soit comme nichoir à poules, soit comme combustible pour le four à pain.

Figure 1. Figure: Portulan de la Méditerranée et de ses côtes de Joan Oliva sur parchemin (1593). En bleu, les différentes étapes du voyage d'Ulysse relatées dans l'Odyssée d’Homère.• Crédits : Leemage - AFP

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Figure 2. Portrait Fernand Braudel

4. Vannerie de Coudrier

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J’ai ainsi inconsciemment enregistré ces processus qui consistaient à utiliser des ressources locales et naturelles et j’ai également compris que lorsque ce processus de fabrication de formes ordinaires se terminait tout redevenait poussière et que ce passage n’avait jamais impacté l’environnement, mais au contraire avait été utile pour notre quotidien. 

Tout ceci a déclenché pour moi un engouement pour l’architecture.

A cette époque, je lisais aussi beaucoup de bandes dessinées de Michel Vaillant de Jean Graton, dans lesquelles un pilote automobile dont la famille construisait des voitures, imaginait des engins toujours plus performants les uns que les autres. Les moteurs avec des pistons circulaires me passionnaient. 

 

Je me suis mis alors à construire mes propres engins, je me souviens particulièrement d’un radeau que j'avais construit en réutilisant un moteur de vélosolex. Puis un jour, j’ai découvert que le designer automobile italien Sergio Pininfarina (5) (1926 - 2012) qui dessinait les ferrari avait fait des études d’architecture. Cela m’a intrigué et c’est pour cela que je suis entré assez naturellement dans l’univers de l’architecture vers quinze ans. C'était devenu une évidence, je voulais devenir architecte. 

 

J’ai toujours aimé construire et bâtir, fabriquer avec les mains et travailler la matière. Mon père était aussi un constructeur, il passait littéralement son temps à construire, démolir et recommencer. La maison était toujours en travaux au grand dam de ma mère, qui aurait voulu une maison propre. Alors est-ce que c’était l’architecture ou la construction qui m'attirait, je répondrais que les deux pour moi sont très indissociables.

Figure 3. Vannerie de Coudrier (noisetier), début XXième siècle, une pratique courante.

5. Sergio Pininfarina (1926 - 2012)

En 1965, Sergio Pininfarina convainc personnellement Enzo Ferrari d’adopter l’architecture technique à moteur arrière central pour les nouvelles voitures Berlinette dont le premier prototype la « Ferrari Dino Berlinette Speciale » est présentée au salon de l’automobile. Dès 1982, i, anticipe la révolution numérique du design automobile en dotant son entreprise d’outils numériques dans le nouveau centre de Cambiano ouvert en 1980 dans la banlieue de Turin, et dédié au design.

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Quelles sont les grandes figures qui t’ont influencé et qui t'influencent encore aujourd’hui ?

 

C’est à l’adolescence que j’ai découvert Le Corbusier. Par hasard, j’avais un cousin qui avait la possibilité de consulter l’œuvre complète (6), cet ouvrage en plusieurs tomes que Le Corbusier avait mené et qui résume un peu toute sa production architecturale, je l’ai passionnément étudié, entièrement étudié, depuis ses premiers projets jusqu’aux derniers. J’ai été fasciné par le personnage, je n’avais alors aucun regard critique car je ne venais pas d’une famille d’architectes qui aurait pu me donner des limites, ou me proposer un autre modèle. J’ai découvert les choses par moi-même, et je me suis engouffré entièrement dans sa pensée et ses idées. Je réalisais des exposés au lycée et un jour un professeur de Lettres m’a dit : “Mais enfin cette machine à habiter (7), ce n’est pas trop une bonne idée…" Cette remarque m’a profondément frappé, c’était la première fois qu’on exprimait une critique à son encontre. A partir de cet instant, j’ai été plus critique vis-à-vis de l'œuvre de Le Corbusier, peut-être était-ce la conséquence de l’avoir trop aimé, trop lu, trop monté en exemple.

 

J’ai voulu commencer mes études d’architecture en 1968. Après mon bac, je voulais m’inscrire à l’Ecole des Beaux-Arts. Mon lycée a fermé et je suis parti pour cinq mois à la campagne passer les plus belles vacances de ma vie. A mon retour, j’ai voulu m’inscrire mais il n’y avait plus d’enseignement de l’architecture dans les écoles des Beaux-Arts. 


Je me suis orienté vers un enseignement technique où j’ai passé deux années pour obtenir un diplôme d’ingénieur en bâtiment. C’est seulement après ces deux années d’études très pratiques que j’ai commencé des études d'architecture en 1970 au sein d’une “Unité pédagogique d’architecture”. Ces établissements qui n’étaient pas unitaires, n'avaient rien de pédagogique et surtout on ne parlait pas d’architecture.

Figure 4. Sergio Pininfarina

7.  "Une maison est une machine à habiter]. C'est ainsi que Le Corbusier définissait l'importance et le rôle que devraient occuper l'habitat dans la vie humaine. in Le Corbusier, Urbanisme, Paris, Crès, 1925, p. 219.

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Quelles ont été tes influences architecturales après Le Corbusier ? 

 

Je pense que j’ai été obnubilé par l'œuvre de Le Corbusier pendant quelques années, j'ai tout lu, tout étudié, j’avais personne pour me guider, je découvrais les choses au fur et à mesure de mes envies. 

Lorsque je suis entré en École d’Architecture, je me suis confronté à d’autres visions de l’architecture, d'autres enseignements et je me suis engagé dans les mouvements de la gauche radicale. Au début des années 1970, on étudiait l’œuvre de Karl Marx, autant que celle de Herbert Marcuse (8) et de Ivan Illich (9).

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Quelle a été la nature du regard critique que tu as porté sur l'œuvre de Le Corbusier, vers quelle type d’architecture t'a-t-elle orienté?

 

Ce regard critique n’était pas été focalisé uniquement sur l'œuvre de Le Corbusier, mais a plus consisté en un apport de connaissances d’autres architectes et d’autres mouvements qui m’ont montré petit à petit les limites de l’approche corbuséenne. 

 

Cette critique s’est donc construite sur plusieurs années et a renforcé ma motivation à étudier l’architecture. Je peux dire dès à présent, que j’avais déjà pris mes distances avec la pensée corbuséenne au début de mes études, en effet d’un seul coup j’avais développé une conscience politique et ouvert mon esprit sur d’autres manières d’appréhender les problèmes architecturaux. 

 

En 1970, le contexte politique était tout autre, mai 1968 venait de chambouler nos manières de penser le monde et la société expérimentait d’autres formes de “vivre ensemble”. Dans les Écoles d’architecture, on ne parlait quasiment pas d’architecture, les “unités pédagogiques” avaient été envahies par les sciences humaines, la géographie, les sociologues. L’enseignement était disparate et il ne fallait presque plus parler d’architecture, ceux qui osaient encore en parler étaient presque considérés comme suspects, parce que tout le monde voulait abandonner le modèle hérité de l’École des Beaux-Arts, à savoir le maître et ses élèves. Au début des années 1970, la période des “Trente Glorieuses” était révolue et une conscience environnementale émergeait alors que le développement productiviste surexploitait les ressources non renouvelables de la planète.

 

J’ai découvert ainsi la pensée de Ivan Illich (10) et les recherches qu’il menait au sein d’un groupe d’études au Nouveau-Mexique en posant un regard critique sur nos manières de produire. 

 

J’ai envisagé d'abandonner mes études dès la deuxième année car j’ai rencontré des architectes constructeurs qui tentaient d’allier pratique de l’architecture et pensée architecturale. Ces architectes avaient monté, ce qu’ils nommaient, une “Base Rouge”, un groupe pour travailler autrement la relation entre l’architecte et l’habitant. 

 

Je me suis engagé pendant pratiquement une année à construire des maisons en ossature bois, de l’esquisse jusqu’à la livraison. Nous concevions la maison avec les futurs habitants puis construisions ensemble. Nous étions à la fois architecte charpentier, électricien, vitrier...On impliquait les habitants dans le processus, c’était une société coopérative de construction et les futurs habitants rachetaient des parts de la société coopérative, ils devenaient ainsi coopérateur comme nous-mêmes. 

Ces maisons étaient basées sur un modèle constructif provenant d’un modèle finlandais, je n’étais pas à l’origine de ce système, mais je me suis engagé très fortement dans cette manière de fabriquer à tel point que j’ai envisagé d’abandonner complètement les études d'architecture. Cette aventure m’a appris à penser l’espace et à le construire, en mettant en relation l’espace architectural et les procédés constructifs.

 

Je ne venais pas d’une famille aisée et cette société coopérative ne m’a permis de subvenir à mes besoins que pendant quelque temps. On passait un temps fou à discuter, chaque prise de décision devenait l’objet d’une assemblée générale. J’ai quitté petit à petit ce processus qui était très chronophage, mais ô combien passionnant.

 

J’ai ensuite découvert l’architecture dite "vernaculaire" (11), qui m’a beaucoup marqué. Pour moi qui avait toujours vécu à la campagne, ce type d’architecture était naturel. J’ai commencé à faire des analyses, des reportages constructifs sur les fermes traditionnelles autour de chez moi. Dans les années 1970, certains commençaient à s’intéresser à ce type d’architecture, à l’école de Lausanne tout particulièrement, les étudiants réalisaient des relevés de l’existant, et des maquettes des bâtiments anciens afin de comprendre comment les procédés constructifs étaient mis en œuvre et comment l’architecture s’alliait au paysage, au relief, au climat et aux modèles sociaux-économiques existants. Je me suis par la suite impliqué dans la sauvegarde de ce type d’habitat et j’ai compris qu’il y avait une dimension socio politique importante. Les habitants que nous rencontrions dans ces magnifiques demeures ancestrales n’avaient qu’un seul souci : raser ces bâtisses afin d’en faire des maisons dites “modernes”. On essayait en vain de leur expliquer qu’ils avaient tort et que ces architectures magnifiques devaient perdurer. Mais à l’époque (comme aujourd’hui) la télévision envahissante montrait un autre modèle de société, avec des maisons dites modernes, standardisées, symbole de progrès social. J’ai compris que l’architecture et surtout le marché de la construction étaient profondément politiques. Qu’il n’est pas seulement question d’appliquer des formes apprises dans les écoles d’architecture, mais d’un rapport existant avec des territoires de projet sur des modèles économiques.

 

Pour comprendre l’histoire des formes constructives, il faut s’intéresser à l’histoire du territoire et aux micro-sociétés qui les habitaient. En France, chaque région à ses caractéristiques propres, les modèles architecturaux sont multiples et résultent des interactions entre le territoire géographique, les modes d’exploitation agricole (élevages, exploitations viticoles…) etc. On ne construit pas de la même manière dans la plaine de la Beauce, en Bretagne ou en Provence. Le modèle du productivisme a détruit cette diversité en imposant une pensée “moderne”. Depuis est née ma critique de la modernité. Et je pense que la modernité est une idéologie qui a profondément bouleversé l’architecture.

A partir de là, j’ai découvert des architectes avec une vision régionaliste critique qui proposaient d’autres paradigmes architecturaux. En particulier, j’ai été fasciné  par le projet de maison à ossature bois de MLTW (12), notamment l’opération singulière The Sea Ranch Condominium sur la côte ouest des États-Unis au nord de la Californie.

Figure 6. Ivan Illich

10.  Le Centro Intercultural de Documentación (Centre interculturel de documentation), plus connu sous l'acronyme « CIDOC », a été fondé par Ivan Illich en 1966 à Cuernavaca, au Mexique. Il fait suite au Centre pour la formation interculturelle créé en 1961. 

12. MLTW: Charles Moore, Donlyn Lyndon, Whitaker, and William Turnbull

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Cette opération consiste en de petites unités de bois assemblées pour créer un tout. J’ai lu à cette époque le Livre de Charles Moore, intitulé The place of houses (1974) et captivé par ses analyses des maisons de Louisiane et des granges des premiers colons. J’ai trouvé passionnant l’analyse de ces constructions et l’inspiration qu’elle lui procurait pour concevoir des projets contemporains.

Figure 7. MLTW, The Sea Ranch

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L’architecture est d’intérêt général mais est pourtant souvent mal perçue par le grand public, pourquoi? 

 

C’est un sujet très vaste…Au cours de mes études, j’ai découvert d’autres modèles en particulier, l'oeuvre de Bernard Rudofsky (13), l’architecture sans architectes (1964), ainsi que l’oeuvre révolutionnaire de Hassan Fathy (14), dans Construire avec le peuple et son travail dans le village de Gourna en 1945 (15).

 

J’ai passé mon diplôme sur l’intégration des habitants au processus de conception, peut-être pour tenter de recréer le système vernaculaire. En fait, je me suis rendu compte que les gens étaient très influencés par les modèles existants, issus du productivisme et transmis par la télévision. J’avais réalisé une expérience en concevant une maquette que les futurs habitants pouvaient manipuler pour projeter leur espace d’habitation. Mais je me suis rapidement rendu compte que les gens avaient tendance à reproduire les modèles en rapport avec une certaine position sociale. La question n’était donc pas tant de faire participer les gens au projet, qui reproduisaient des schéma préconçus, mais plutôt comme architecte de remettre en question ces modèles dans l’exercice de mon métier. En voulant faire participer les habitants à la construction, je suis arrivé finalement à me dire, qu’ils fallaient surtout qu’ils ne participent pas au projet pour lutter contre la reproduction d’un modèle systématique, vendu à la télévision, durant les spots publicitaires, et qui va dans l’intérêt des grands groupes industriels qui produisent des maisons en série.

Figure 8. L’architecte Charles Moore,

The Place of houses, 1974. 

13.  Bernard Rudofsky (1905 - 1988),

Architecture sans architectes, (1964).

14.  Hassan Fathy (1900 - 1989)

15.  Construction du nouveau village de Gouma par Hassan Fathy près de Louxor, 1945 - 1948.

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Lorsqu’on pense à “Gilles Perraudin” on pense à la pierre massive, cette image de marque te colle t-elle à la peau?

 

Non pas vraiment. Ceux qui connaissent ma production savent qu’elle est très variée même si la pierre en constitue la partie la plus spectaculaire. Et probablement elle constitue un peu un renversement de tendance au regard de mes productions antérieures. J’ai toujours été engagé dans des productions architecturales “environnementales” mais avec une approche plus technologique, dont l’un des bâtiments phares est un grand projet d’académie de formation en Allemagne dans la Rurh (16) situé à Herne.

Figure 9.  Hassan Fathy

Figure 10.  Bernard Rudolfsky

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Ce projet pourrait être un modèle, considéré comme tel par beaucoup, d’une approche environnementale de l'architecture et pouvant jouer le rôle d’exemple. A ce moment de ma carrière, j’avais une médiatisation très forte, j’aurais pu effectivement m'engouffrer dans cette direction et reproduire systématiquement cette architecture. D’autres l’on fait à ma place mais j’ai choisi de m’éloigner car j’ai craint d’être rapidement récupéré par un système médiatique aliénant. J’aime être libre de choisir ma propre voie de pensée.

 

A cette époque, j’ai réalisé un virage à 180° en empilant des blocs de pierre. Lorsque j’ai commencé, tout le monde m’a pris pour un cinglé, même les gens les plus proches. On me prenait pour un gâteux, pour un passéiste, en réalité je reposais les questions fondamentales de l’approche environnementale de la construction. Si l’on voulait atteindre des bilans carbones très bas, il fallait travailler avec des matériaux naturels, peu transformés et facilement disponibles. Je me suis lancé dans cette aventure. J’ai passé vingt-cinq ans de galère. 

 

Aujourd'hui il y a une nouvelle poussée médiatique et d’un seul coup on veut me dresser en étendard d’une cause, et c’est toujours à ce moment-là que j’ai envie de fuir. Je crains d’être récupéré par un système productiviste, alors je repars. 


Depuis quelques mois je suis en Afrique, pour repenser une pratique, construire autrement, une nouvelle aventure en somme.

Comment fais-tu pour imposer les arguments en faveur de l’usage de matériaux naturels et donc plus chers auprès des maîtrises d’ouvrage ?


Lorsque j’ai construit le chai viticole de Vauvert, j’ai décidé de faire par moi-même pour comprendre la faisabilité économique de la production d’un tel bâtiment. J’ai essayé de détourner le système productif pour faire un bâtiment qui devienne un exemple de faisabilité auprès des maîtrises d’ouvrage. J’ai construit par moi-même avec mes propres moyens, à ma manière, une fois le projet construit je l’ai présenté à des maîtrises d’ouvrage, puis les autres commandes architecturales sont arrivées par la suite, dont en particulier un centre de formation des apprentis à Nîmes marguerittes. Le Chai de Vauvert m’a donc permis de convaincre de la faisabilité économique d’un projet en pierre massive.

Figure 11. bureaux municipaux, salles de réunion, administrations, logements, restaurants, hall de sport, salles polyvalentes, bibliothèque 

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J’ai fait beaucoup de concours d’architecture publique mais maintenant la commande a évolué lorsque je suis consulté et que je propose un bâtiment en pierre massive, cela marche une fois sur dix et encore…Depuis 25 ans j’ai perdu énormément de marchés pour des préjugés sur le coût des matériaux de construction.

 

Faut-il créer sa propre “commande” lorsqu'on est architecte ?

 

En référence à mon expérience, je dirai que oui c’est inévitable. Si l’on veut faire quelque chose de différent, il faut le faire par soi-même. J’encourage les jeunes architectes, à s’engager dans la construction et se faire une référence conforme à leur conviction. 

 

Pour moi cela a fonctionné ainsi, c’est parce que j’ai construit en pierre par moi-même que j’ai pu le refaire. 


Mais le parcours a été très difficile, j’ai beaucoup galéré, vraiment galéré, j’ai perdu énormément de projets. J’avais réalisé un projet magnifique dans la ville de Vauvert. Ce projet aurait été un événement architectural fabuleux et un exemple pour les habitants de cette ville. Ce projet était un grand collège et les enfants auraient pu être confrontés quotidiennement à la réalité de la construction en pierre massive. Ce projet très ambitieux est parti à la poubelle parce que des gens incompétents de la maîtrise d’ouvrage l’on condamné. Quant à moi, j’ai persévéré malgré les embûches et ces blocages.

 

Le projet architectural est un processus partagé avec d’autres intervenants, faut-il nécessairement faire des compromis si l’on veut construire en France aujourd’hui ? Ou se situe la limite ?

 

Il est évident que lorsqu’on fait un projet, on fait des compromis, c’est obligatoire car nous ne sommes pas des “Deus Ex Machina”, omnipotents, capables de tout voir, tout anticiper, tout régler. Notre travail consiste à conseiller cependant, si lors d’un projet développé en pierre massive porteuse, une maîtrise d’ouvrage me proposer de passer en revêtement pierre en façade, alors là oui, j’apposerais mon véto. Mais ce n’est pas toujours possible. Je travaille aujourd’hui sur un grand projet en Roumanie à Rasova (17) sur les bords du Danube et proche de la mer noire, et comme je ne réalise pas le chantier, le projet a été largement édulcoré par des ingénieurs locaux. Une grande partie du problème réside dans le fait que les ingénieurs structures ne connaissent plus la mise en œuvre du matériau pierre. Ces ingénieurs sont partis de considérations sismiques complètement fausses et ne croient pas qu’il est possible de construire 10 000 m² donnant sur le Danube en pierre, ils ont alors commencé à parsemer le projet de béton. J’aurais pu effectivement dire “stop”, mais en architecture il n’y a pas que le matériau, il y a aussi l’implantation du projet dans son site, la manière dont on produit un lieu exaltant. Produire une émotion capable de vous porter dans une autre dimension spirituelle. C’est cela la véritable essence de mon travail, ce n’est pas juste empiler des pierres. Même si l’empilement procède de cette recherche émotionnelle.

17. Chai viticole : cuverie, chai rouge et blanc, vinothèque, accueil dégustation-vente, stockage, administration. Hôtel : chambres, salles de séminaire, bar, restaurant. Thermes : sauna, hammam, bains extérieur et intérieur. Maîtrise d’ouvrage privée. Surfaces: 6700 m2

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Ces pierres permettent de répondre à des enjeux environnementaux mais surtout à la possibilité d’atteindre une exaltation spirituelle permettant de dépasser la matière en l’acceptant dans toute sa dimension matérielle. Plus la matière s’impose et plus l’esprit se libère. C’est un processus intéressant qui guide mon travail.

 

Dans ce chai de Vauvert, nous sommes envahis par la lumière du soleil qui est rythmée par les piliers, lumière-ombre-lumière, les proportions sont justes, c’est tout cela qui fait l’architecture. Ce rythme bouscule l’entendement mais la dimension charnelle du matériau m’aide à reprendre pied. 

 

Je construis avec de la pierre, mais je ne suis pas un spécialiste de la pierre, je suis avant tout un architecte. Tout le monde peut se prétendre “spécialiste de la pierre”, cela ne demande aucune compétence particulière, juste savoir poser deux blocs les uns sur les autres. En vérité, je pourrais dire que la pierre n’est que le cadre, la toile de mon ouvrage. 

J’ai changé de cadre et je suis parti en Afrique pour construire en terre, en bois, en paille. J’ai fait aussi beaucoup de bâtiments en bois en France, par exemple à Voiron (18) dans l'Isère, un bâtiment de 25 mètres de haut tout en bois massif et non pas en lamellé-collé (19) qui pour moi n’est pas du bois vivant et représente l’équivalent du béton pour la construction en pierre.

Est-ce qu’on dispose d’assez de ressources en France pour pouvoir construire ?

La ressource est partout, et pas qu’en France mais dans le monde entier. Nous disposons de toutes les ressources possibles et imaginables. On me pose souvent la question concernant la pierre, en me rétorquant que les ressources diminuent. Je me demande comment construire autrement parce que tout provient initialement de la pierre, l’acier, le béton, tout même le bois…En effet, le bois puise sa substance des minéraux qui sont présents dans le sol et lorsque le bois meurt, il redevient du minéral.

Figure 13. Chai Rasova, Roumanie

19. Le bois lamellé-collé (BLC), aussi appelé plus simplement lamellé-collé ou bois lamellé (glue-laminated timber ou glulam en anglais), est un matériau qui s’obtient par collage de plusieurs lamelles en bois dont le fil est essentiellement parallèle.

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Il n’y a pas de différence entre matériaux bio-sourcés et autres, car tout vient de la pierre, nous sommes nous-mêmes des êtres de pierre, notre squelette est pierre. 

 

La pierre “coquillière” est formée d’une infinité de petits coquillages dont l’agglomération et la sédimentation forment de la pierre. La pierre se forme à partir du carbone présent dans l’atmosphère, absorbé par les océans, qui est digéré par le plancton qui nourrit les crustacés et poissons (endo squelettes et exosquelettes). Tout ceci va s’accumuler dans les fonds marins pour créer des pierres dites “sédimentaires”. 

 

Pour compléter sur la finitude de nos ressources, je rappelle que la Terre tout entière est composée de roche, je ne vois donc pas bien comment on pourrait épuiser ces ressources. Sauf à manger la planète pour la rejeter dans l’espace sidéral. 


La planète est de pierre, la terre une décomposition de la pierre, sous forme d’argiles, des graviers etc. Le béton finalement c’est quoi, du gravier, du sable puis du ciment, venant du calcaire et de l’argile, c’est donc de la pierre.

Concernant le changement climatique, quelle va être la réponse selon toi à la crise des réfugiés climatiques, comment allons-nous héberger tous ces réfugiés ? 

 

Il faut changer notre modèle de développement, il n’y a pas d’autres solutions valables. Il faut cesser de surexploiter les ressources en particulier dans les pays en voie de développement, où cette pratique tend à paupériser les populations locales. On les exploite et ensuite on leur retourne des produits industrialisés qu’ils n’ont pas les moyens de se payer, pour être plus juste, il faudrait leur payer 20 fois, 30 fois plus cher le prix des ressources premières qu’on leur extorque.

Qu’est-ce que l'architecture de l’urgence pour toi ?

 

Dans l’architecture, il existe la question de l’urgence, après tout est une question de degré. 

Au sens basique, l’architecture est d’abord et avant tout un abri pour se loger ou travailler. Dans les pays où les conditions climatiques sont très favorables, il n’y a pas besoin de constructions sophistiquées. En Afrique de l’ouest, au Sénégal (20), les gens ont juste besoin d’un toit pour arrêter la pluie, et des parois suffisamment légères qui laissent passer l’air pour rafraîchir la maison. En Inde par exemple, beaucoup de gens dorment sur des lits dehors, parce que c’est l’endroit le plus agréable pendant la nuit. 

 

La notion d’habitat et d’habitat d’urgence, si ce dernier existe vraiment, dépend complètement de la situation climatique dans laquelle on se trouve. 

 

Au cours de mes études d'architecture, j’ai remporté à un moment donné un concours international d’étudiants pour l’Union internationale des architectes (UIA) (21), j’étais en cinquième année d'architecture en 1975 et j’ai fait partie des lauréats sur le thème de “l’habitat d’urgence” pour des situations de catastrophes écologiques. 

 

Pour moi la distinction entre “habitat” et “habitat d’urgence” n’est pas très claire, pour moi l’habitat est une urgence vitale. 

 

Pour les habitants, c’est une urgence d’avoir un toit sur la tête à minima, des murs pour se protéger du froid et du vent et un système pour se réchauffer et une fois qu’on a cela, il semble qu’on atteint l’essentiel des besoins. 

Jusqu'où s’étaleront nos villes, faut-il encore construire aujourd’hui ?

 

Cette question interroge la raison d’être de la ville, qui a probablement évolué au cours du temps. Selon moi, à l’origine les villes sont d’abord le siège du pouvoir politique et religieux, puis viennent ensuite le commerce et l’échange. 

 

La production des denrées se faisait dans les campagnes et on avait besoin de lieux d’échange qui ne se formalisaient pas toujours sous la forme de villes. Au Moyen-âge, on avait des grandes foires qui étaient excentrées des villes dans des champs désignés comme point de rencontre, et qui le temps de l'événement éphémère devenait un lieu d’échanges des bêtes et de l’artisanat. Je ne suis pas historien, mais avec le développement industriel il me semble que la ville est devenue le lieu de concentration des moyens de production, en particulier de la main-d'œuvre ouvrière qui était prête à travailler dans les usines et fabriques. C’est donc bien la concentration de ces ouvriers qui va former et produire l’extension des villes. 

 

Aujourd’hui avec la crise sanitaire, on parle de “télétravail”, mais ceci ne permettra pas de satisfaire les besoins essentiels, comme se nourrir, se loger, se vêtir. Le véritable problème est la création de besoins artificiels. On s’évertue à nous vendre des choses dont nous n’avons pas besoin. Je me souviens avec force de cette parole de Diogène Le Cynique (22) qui ressortant d’une salle de vente se surprend du nombre de choses qui ne servent à rien: “les choses nécessaires coûtent peu, les choses superflues coûtent chères". 

 

Partant de ce constat, pourquoi produisons-nous autant ? Toute cette production nécessite des lieux de concentration, des lieux de distribution, des lieux d’habitation pour encourager les gens à consommer.

 

Si j’étais idéaliste et que je pensais que l’humanité pourrait s’entendre entièrement, je dirais que nous n’avons pas besoin des villes. Dans les endroits où il n’y a pas de conflit, il n’y a pas de nécessité de se protéger, il n’y a donc pas de villes fortifiées, en Afrique toutes les villes n’étaient pas nécessairement fortifiées par exemple. 

 

Est-ce que l’avenir de la construction ce n’est pas puiser dans les bâtiments existants finalement ? 

 

C’est une excellente question à laquelle j’ai déjà répondu. Nous n’avons plus besoin de logements en réalité. Malgré tout ce que nous disent les gouvernements successifs, nous n’avons plus besoin de construire. On sait par exemple qu’en France, selon l’INSEE (23), il y a un logement pour 2 habitants. Au premier janvier 2021, la France métropolitaine possédait 37.2 millions de logements (24) pour 67 millions de Français. Donc théoriquement, cela nous laisse de la marge et nous disposons donc d’assez de logements. Par contre, il y a un paradoxe: beaucoup de gens ne sont pas logés car ils ne peuvent accéder au logement dans des conditions dignes. Selon la Fondation l’Abbé Pierre, 835 000 personnes n’auraient pas un logement décent aujourd’hui (25). Pourtant on nous rabâche qu’il faut des programmes de construction, qu’il faut encourager l’investissement, qu’il faut construire du logement. En tout état de cause, nous n’avons pas besoin de ces programmes de construction. En fait, le politique tend à nous détourner de la réalité de ces chiffres, parce que le logement n’est plus un bien fondamental mais un objet du rendement du capital, c’est tout. Les personnes qui nous vendent des automobiles, des télévisions, des logements ont le même objectif en tête, faire du profit. 

 

L’État appuie ce système productiviste en défiscalisant les investissements des plus riches, pour encourager la construction de logements neufs, avec comme marotte, la recherche du plein emploi. On sait très bien en France que le secteur du BTP est un des principaux pourvoyeurs d’emplois. Donc pour employer le plus de gens possibles, on va créer un besoin artificiel en logements neufs. 

 

Le question du besoin en logements neufs n’existe pas, c’est un faux problème, il faudrait mieux s’attarder à réhabiliter le bâti existant. Il existe par exemple de magnifiques maisons inhabitées dans les Cévennes, le Massif Central ou d’autres endroits aussi magnifiques. Pour revenir à la question des réfugiés climatiques, on pourrait loger tous ces gens dans nos campagnes, dans toutes ces maisons qui ne servent à rien. 

 

Certaines personnes ou collectifs investissent des lieux de manière temporaire et sont jugés “hors la loi”, est-ce une aberration selon toi? 

 

Je vous invite à lire un très beau texte de Ivan Illich intitulé, “L’art d’habiter”. (26) Discours prononcé en 1984 (27) devant le RIBA (28). Ivan Illich constate alors que les architectes savent dessiner des logements mais pas des habitations, parce que selon lui l'habitation est une véritable création de celui qui habite: “Seuls les hommes peuvent habiter. Habiter est un art.” L’habitant crée le lien, sa coquille, son espace à lui et sa dimension personnelle d’équilibre. Dans son discours, Ivan Illich prend en exemple, un tas de “squatteurs”, si je puis dire, dans plein de pays il explique qu’on cherche à les éliminer parce qu’ils démontrent tout simplement que tout l’arsenal des normes n’existe que pour normaliser les gens, lisser les modes de vie et finalement empêcher qu’ils se mettent à penser par eux-mêmes. Pour moi, les “squatteurs” sont les exemples des véritables habitants et créateurs de lieux de vie. 

 

Faut-il être un peu désobéissant ou filou quand on est architecte ?

 

Oui. Je n’utiliserais pas le terme “filou” tout de même, mais il est certain qu’il faut sans arrêt prendre des chemins de traverse pour atteindre des objectifs que la réglementation ne nous permettrait pas d’atteindre. Par exemple, si l’on veut essayer de donner un sens au logement que nous construisons et qu’on est animé par une éthique, il faut qu’on arrive à éliminer un certain nombre de normes qui n’existent que pour favoriser le système productif. 


L’architecte doit être selon moi un “opportuniste”, c’est-à-dire qu’il doit savoir utiliser les éléments dont il dispose sous la main. Un exemple est Fernand Pouillon, qui tout au long de sa vie a été un grand opportuniste, toujours pour atteindre des objectifs et jamais pour son enrichissement personnel. Dans son autobiographie, Mémoires d’un architecte, (29) il évoque en 1945 le projet de construction à Marseille, par le procédé de fusée-céramique (30) des camps du Grand Arénas et du camp Colgate (31) pour loger les réfugiés. Dans ce projet Fernand Pouillon a été un opportuniste incroyable en allant voler les fusées-céramique inventées par Jacques Couëlle (32) aux nez et à la barbe des Américains pour construire plus rapidement et loger les sinistrés.

Figure 14. Arbres fossilisés découverts à Dunarobba (Avigliano, Ombrie, Italie)

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26. “L’art d’habiter”, Ivan Illich, discours en 1984, pour les 150 an de la RIBA

27. Traduit par Maud Sissung et Marc Duchamp. Ivan Illich. Dans le miroir du passé : conférences et discours, 1978–1990. Paris, Descartes & Cie, 1994. Œuvres complètes, vol. 2, p. 755-765, Fayard, 2005

28. RIBA: Royal Insitute of British Architecture, https://www.architecture.com/

29. Mémoires d’un architecte, 1968, Seuil.

 

« Les fusées-céramique ressemblaient exactement à des bouteilles de bordeaux dépourvues de fond, dont une partie du goulot aurait été tronquée. Chaque rang de bouteilles était monté de part et d’autre d’un cintre et se rejoignait au sommet de la voûte. Naturellement les joints étaient croisés : il fallait éviter une ligne de rencontre médiane, en prolongeant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, le sens de la pose. Effectivement cela ressemblait à des bambous mis en forme sur des cintres. La voûte était enrobée de mortier très fin, très dosé, qui constituait l’enduit extérieur. Une peinture étanche était prévue pour protéger le tout. L’épaisseur totale était de neuf à dix centimètres.

31. Les camps du Grand Arénas et Colgate ont été construits par René Egger et Fernand Pouillon. Ils sont composés de 80 baraquements en forme de demi-tonneaux de 30,50 m de long sur 6,50 m de large et 3,50 m de haut. Ils sont surnommés « les Tonneaux » du fait de leur forme en demi-tonneaux.

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Tu te décris comme architecte mais aussi viticulteur, où as-tu acquis le savoir de la production vin ?

 

Par l’expérience et le goût pour le vin tout d’abord. J’ai toujours été passionné par le vin en tant que produit de la nature, produit d’excellence et surtout par cette relation intime qui peut exister entre un terroir c’est-à-dire les conditions climatiques, la nature du sol et les Hommes et leur culture. Ceci existe dans le monde entier, et la production du vin témoigne d’une certaine culture sociétale. Lorsque je suis arrivé dans la région de Nîmes pour faire du vin et quand on a pris la décision de constituer un vignoble à Vauvert, j’avais déjà un certain bagage de connaissances livresques. En effet, j’avais lu énormément de références pour comprendre comment fabriquer du vin, l’art de vinifier, mais concernant la partie concrète de production, je me suis fait guider par des amis œnologues. 

 

Quels liens tisses-tu entre le pied de vigne et la construction en pierre massive ?


Historiquement un lien existe. Je commence la construction du chai en pierre, au moment où je constitue le vignoble. C’est la nécessité de construire un espace pour fabriquer le vin qui m’a amené vers la pierre. Si je regarde rétrospectivement, le matériau pierre était déjà présent dans mon approche architecturale depuis longtemps, soit parce que j’ai réalisé des logements en pisé sur l’Isle d’Abeau (33) au tout début de ma carrière il y a presque quarante ans maintenant et comme je l’expliquais toute à l’heure la terre c’est de la pierre selon moi, soit parce que lorsque j’ai réalisé l’École d'architecture de Lyon (34) bien que la structure soit en béton, l’approche formelle des arcs est proche du calepinage et de la stéréotomie de la construction en pierre. Finalement, j’ai construit à Lyon des pierres artificielles en béton.

Je regrette maintenant et si j’avais su à l’époque du projet où trouver des pierres, j’aurais fait le soubassement de l’édifice en pierre. 

 

Lorsque je plante mes vignes, je les plante dans un terrain rocheux, dans les cailloux, donc immanquablement la pierre est déjà présente dans le vin et nourrit la vigne. On le sait bien, c’est le sol qui donne les principales particularités au goût du raisin. Bien évidemment il y a le cépage, l’homme et le climat qui influencent les qualités organoleptiques, mais une des dimensions spécifiques, c’est le minéral donc ce qui est puisé dans le sol par la plante.

Figure 15. Tonneau monté suivant le procédé de “fusée-céramique”.  

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Lorsqu’on pense à la construction en pierre, on pense souvent au patrimoine et à des détails d’ornementation de corniches de consoles, qui vont à l’encontre du minimalisme de la pensée moderne, quel rapport à l’ornement entretiens-tu ?

 

L’ornement a une origine fonctionnelle. Si l’on s’attarde sur certaines architectures de pierre, les corniches, les appuis de baies sont des éléments qui ont une nécessité fonctionnelle, à savoir, éloigner l’écoulement des eaux de la façade afin qu’elle ne s’altère pas. De ce point de vue, l’idée de l’ornement est déjà présente dans la fonction même de l’édifice en construction. Donc même une construction en béton armé nécessite des corniches et un dessin d’une forme d’ornementation si l’on ne veut pas que les éléments constitutifs de l’architecture se désagrègent avec le temps. 

 

Ensuite l’ornement peut avoir une fonction qui exalte le bâtiment, qui lui procure une dimension supérieure. Lorsqu’on pense aux bas reliefs par exemple, je serai à titre personnel, très favorable à en dessiner, mais les conditions de la production aujourd’hui ne permettent plus cela. Maintenant, une sérigraphie sur une façade joue le rôle d’ornement. Pour moi, je ne peux pas séparer la question de l’ornement de celle de l’architecture. L’architecture contient l’ornement. L’expérience constructive que j’ai maintenant en Afrique me permet d’imaginer décorer beaucoup les bâtiments avec des fresques et des graphismes. J’aimerais profondément que l’architecture soit le support d’une pratique populaire de l’art, parce que c’est ce qui se passe en Afrique, souvent les femmes décorent les murs extérieurs des maisons. 

 

Pour moi c’est une disposition que je porte personnellement vis-à-vis de l’art, pour moi l’art ne peut pas être détaché de l’usage. L’art n’apparaît qu’à partir du moment où l’usage est satisfait. Les tableaux avaient à l’origine certainement des fonctions de protection thermique et permettaient de couper les rayonnements froids des parois du mur, au même titre que les tapisseries avaient ce rôle pendant des siècles. Selon moi ces productions artistiques sont donc liées à une nécessité, j’aime penser que l’art est nécessaire, qu’il soit utile. Je décore ma maison pour qu’elle soit plus accueillante, plus sympathique. 

 

Pourquoi es-tu parti construire en Afrique ? 

 

25 années de combats, de bagarres pour amener les gens à construire en matériaux naturels m’avaient un petit peu épuisé mentalement. J’ai senti à un moment la nécessité de m’ouvrir vers d’autres horizons, pour essayer d’aborder une manière de pratiquer la construction d’une manière différente. J’essaye en Afrique de construire, sans utiliser de matériaux industriels et avec le plus d’artisanat possible. Bien évidemment, certains matériaux sont difficiles à remplacer, par exemple les canalisations devraient être en terre cuite, mais il est presque impossible d’en trouver et il faudrait ouvrir une nouvelle production, du coup on essaye de penser le projet sans canalisation et on regarde quels défis cela engendre. C’est ce processus que je suis allé chercher en Afrique qui pour moi représente l’avenir. L’avenir du monde est l’Afrique parce que c’est une civilisation plurielle qui a été confrontée à une absence de développement productif qui aujourd’hui est une force qui ouvre des portes vers des pratiques alternatives.

Construire une maison en terre, c’est légal ! Personne ne vient t’emmerder avec un arsenal de réglementations. La réglementation est pensée pour ne pas faire n’importe quoi certes, mais lorsque tu conçois avec intelligence, tu n’as plus besoin de ces normes sismiques, d’isolation thermique ou de double flux de ventilation et de quadruple vitrage. 

 

Je suis allé chercher en Afrique, une forme de retour aux origines de la construction simple, essentielles et sans sophistication. En plus, j’ai découvert dans le Sénégal, un pays fantastique, superbe, magnifique, accueillant. Cette civilisation a été moins polluée par un arsenal politico-économique qui nous harcèle et nous empêche de penser intelligemment. Cela arrive néanmoins tout de même, certains architectes Occidentaux et Africains viennent construire selon un modèle occidental qui risque de polluer très sérieusement ce pays.

As-tu découvert des architectes en Afrique de l’Ouest ? 


Dès que j’ai posé le pied en Afrique, je suis allé directement rencontrer des confrères qui m’ont reçu de manière extraordinaire que ce soient des Toubab (35), des Européens, des Américains. Alors je suis arrivé avec la volonté de construire en pierre et en à peine une semaine, j’ai découvert des gisements non utilisés que les Africains n'utilisaient pas.

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Figure 16. Maisons en pisé Isle d'Abeau, 1981 - 1985

35. Toubab (en malinké toubabou, toubab ou encore en wolof tubaab, tubaab, également toubabe, toubabou, tuab, tubab) est un terme utilisé en Afrique de l'Ouest, principalement en Guinée, au Mali, au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie, mais aussi en Côte d'Ivoire, pour désigner toute personne à peau blanche, à l'exclusion des Arabo-Berbères, quelle que soit sa nationalité. Il fait donc généralement référence à des Européens.

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Figure 17. Formation de Latérite Gneiss Afrique

Figure 18. Léopold Sédar Senghor

La pierre est partout, en Afrique de l’ouest, c’est la latérite qu’on trouve dans la ceinture latéritique, plus précisément au nord du tropique du cancer qui provient d’un support granitique ancien décomposé. La Latérite se trouve soit sous la forme pulvérulente, qu’on utilise directement pour faire des briques de terre compressée ou du pisé, soit sous la forme de roches avec lesquelles on peut bâtir. Terre-Pierre ou Pierre-Terre, voilà ce que je suis allé chercher là-bas et cela m’apporte une forme de jouissance fabuleuse. 

 

Je recherche l’essence des choses, comme ces techniques traditionnelles ou les pêcheurs qui arrivent en pirogues et qui vendent leur poisson directement sur la plage. Il y a au Sénégal une forme de relation directe au monde que je qualifierais de poétique. 

 

Il se trouve en plus que la maison que je construis est à quelques dizaines de mètre de la maison d’enfance de Léopold Sédar Senghor, (36) poète et premier président du Sénégal. Ces textes sur la maison de son enfance (37) m'apportent une autre vision du monde plus exaltante. 

 

Je retrouve également un nouveau terroir marqué par les hommes. Le régime climatique est également complètement différent, puisque pendant les mois d’été, il pleut beaucoup et cela correspond à une saison des pluies qu’on appelle “l’hivernage”. Il n’existe que deux saisons, la saison humide et la saison sèche, cela rythme le monde différemment. J’ai toujours pensé que la culture est de la géographie et correspond à l’ensemble des conditions climatiques, des éléments constitutifs du sol qui vont créer des comportements, des croyances, des rites, un environnement distinct. 

 

Pour l'instant, j’ai construit un bâtiment pour l’ambassade de France, une villa (38), sur le modèle de la Villa Médicis, dans le ville de Saint-Louis au nord du Sénégal. Cette villa pour artiste est en fait une transformation d’une maison existante à partir de terre et de bois. 

Comment organises-tu ton temps entre l’agence en France et ta vie au Sénégal?

 

Oui en ce moment, je partage mon temps entre la France et le Sénégal, même si avec la crise sanitaire la situation est compliquée là-bas, il n’y a plus de tourisme et donc il n’y a plus de travail.

 

Mon objectif est de vivre comme les oiseaux, cela rejoint d’ailleurs une expérience et une réflexion que j’ai eu très en amont dans ma formation d’architecte en rencontrant André Ravéreau (39), que j’avais rejoint en tant qu’étudiant-stagiaire à Ghardaïa, en 1974.

C’est dans le désert que j’ai eu cette expérience fascinante et vraiment fondamentale qu’est l’histoire du nomadisme au cœur de l’habitat. Au Sahara, l’été les habitants dorment sur les terrasses des maisons et en journée ils courent se réfugier au cœur de la maison dans la pénombre pour gagner un peu en fraîcheur.

Ce climat difficile rythme la journée de travail. On se lève très tôt, on travaille jusqu’à 11h, puis on reprend à 17h. L’hiver c’est l’inverse, on va sur les terrasses pendant la journée pour capter les rayons du soleil puis éventuellement on va faire un feu de bois si la température est trop basse. 

Ce nomadisme, rend d’abord la maison polyvalente, les lieux ne sont pas définis par leur fonction mais leurs particularités climatiques et cela nous amène à penser la maison de manière complètement différentes. Pourquoi faire des maisons avec des chambres et des salles à manger ? Pourquoi ne pas faire comme les animaux, lorsqu’ils cherchent l’ombre ils se mettent à l’ombre, inversement pour le soleil.

 

Lorsque l’on se met à penser ainsi, on redéfinit tout le paradigme architectural. On ne pense plus la maison comme une sorte de modèle absurde et abstrait de chambres et de cuisine et qui dans tous les cas nous fait aujourd’hui les logements à 25 degrés aussi bien dans les sanitaires que dans les chambres. On ne doit pas chauffer tous les espaces. Le besoin d'apporter le confort énergétique partout dans la maison aujourd’hui est absurde.

37. Lettres d’hivernage, poèmes, Le Seuil, 1973

38. Villa Ndar, Institut Français du Sénégal.

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Figure 19. André Ravéreau

39. André Ravéreau, né le 29 juillet 1919 à Limoges et mort le 12 octobre 2017 à Aubenas, est un architecte français. En 1980 il reçoit le Prix Aga Khan d'architecture. Il est élevé au rang d'Achir de l'Ordre du mérite national d'Algérie en 2012.

Cet ancien élève d'Auguste Perret à l'École des Beaux Arts de Paris, visite la vallée du M'zab en Algérie en 1949 alors qu'il est étudiant. En découvrant les cités du M'zab, André Ravéreau prend conscience, au-delà du choc émotionnel, de ce que cette architecture peut apporter à la définition de nouvelles pratiques.

En pleine tourmente algérienne, son diplôme d'architecture en poche, il décide d'y retourner. Pour lui, les cités ibadites offrent l'exemple le plus achevé d'une adaptation aux contraintes du milieu, d'une architecture et d'un urbanisme respectueux de l'environnement.

Pour renforcer sa compréhension du lieu, il installe son atelier à Ghardaïa en 1959. L'atelier créé verra se succéder plusieurs jeunes architectes et étudiants venus se confronter à cette gestion du territoire respectueuse des traditions culturelles et du contexte naturel.

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Tu as construit ce Chai avec plusieurs espaces qui n’avaient pas réellement de fonctions au départ, l’espace doit-il être déterminé ?

 

La pensée architecturale doit être comme cela. On ne peut pas réaliser des espaces architecturaux qui soient dictés strictement par leur pure fonctionnalité. L’espace architectural est un espace en potentiel devenir. Si un espace est bien pensé, il peut s’adapter à des situations différentes d’usages. L’enjeu de l’architecture est de penser à la fois l’usage immédiat du client et la potentielle évolution. L’architecte doit construire un espace qui dépasse le strict usage qui va contenir des éléments qui dépassent totalement les critères qui en définissent sa fonctionnalité.

 

Dans chaque bâtiment que je réalise, j’essaye de trouver le potentiel d’évolution. Dans ce chai par exemple, tout est une question de rythme, de proportion, de contraste, de lumière et de matière. Ça dépasse totalement les critères de fonctionnalité et d’usage, selon moi l’essence de l’architecture est là. 

 

Si tu devais t'entretenir avec des jeunes architectes qu’est ce que tu leur dirais ? 

 

Les conseils selon moi seraient, de tenter d’être heureux et de savoir dire non ! Dire non, justement à la compromission pas au compromis. Aujourd'hui, si nos espaces architecturaux sont devenus d’une telle médiocrité, la faute incombe aux architectes parce que si la dimension éthique qui les guidait était assez forte, ils sauraient dire non à tout cela. 

 

Le principal conseil que je donnerais donc à nos écoles d'architecture, serait d’enseigner l'éthique de l'architecture. Pour moi c’est le plus fondamental, il n’y a que cela à transmettre, empiler une pierre sur une autre, cela s’apprend ce n’est pas fondamental. 

 

Pour moi, l'éthique est une dimension morale qui guide ton attitude au quotidien, ce que j’ai rencontré chez André Ravéreau dans le désert du Sahara. Il avait un comportement d’aucune compromission, et d'ailleurs il n’a jamais construit dans sa vie qu’une dizaine de bâtiments qui sont chacun des références et des chefs-d'œuvre. Il ne faut pas forcément construire beaucoup pour faire de belles choses. Il suffit juste de refuser, de ne pas accepter et surtout de ne pas désespérer d’un métier qui est extrêmement difficile et qui est menacé aujourd’hui. Effectivement les architectes ont été ramenés à un rôle tout à fait subalterne, ils ne sont nécessaires aujourd’hui que pour l’obtention d’un permis de construire. Beaucoup d’architectes se limitent à deux coups de crayons, à des signatures de complaisance et cela détruit notre profession. 

 

Lorsque je vois qu’on appose des résilles métalliques sur des façades des bureaux et que cela bouche la vue, je me demande comment il est possible de concevoir cela. C’est en partie la recherche de cet esthétisme absurde que j’ai reproché au mouvement moderne. Le Corbusier a transformé le travail de construction des architectes en un travail purement esthétique. D’ailleurs Le Corbusier se définissait lui-même comme un plasticien avant d’être un architecte, son grand désir était de devenir peintre et comme il n’était pas très bon il a réalisé de l'architecture pour pouvoir faire de la peinture. Son véritable nom Pierre Edouard Jeanneret, il le réservait à ses tableaux. Le Corbusier va systématiquement décorer ses maisons ou ses bâtiments en appliquant ses principes esthétiques. Il parlait lui-même “d’évènement plastique” (40), voilà où nous sommes aujourd’hui. L’architecte est devenu une sorte de décorateur et c’est cela qui tue le métier. 

 

Je dis aux jeunes, n’écoutez pas les sirènes de ceux qui vous font faire des images de synthèse absolument faramineuses. On a assez de cochonneries sur terre. Quelque part, l’idéologie de la modernité a servi les dessins du productivisme. En cantonnant l’architecte à un rôle de décorateur, les constructions se sont réservées le vrai business des matériaux industriels…. Alors moi j'exècre ce slogan des grands groupes qui dirait “Vous architectes, imaginez ce que vous voulez, nous nous chargerons de le construire”. Cela témoigne de ce qu’est devenu le rôle de l'architecte. A ceux qui veulent mettre du béton dans la pierre, je leur dis, “regardez le Pont du Gard, il tient depuis 2000 ans”…Le problème c’est que les ingénieurs sont aussi à la botte du productivisme. En école d’ingénieur, on ne parle que de béton armé, ou d’acier un peu du bois maintenant, mais je trouve qu’on a perdu en compétences sur les autres matériaux de construction. Lorsque les ingénieurs sont confrontés à des calculs sur la pierre, ils tremblent alors ils remettent vite du béton parce qu’il y a une réglementation. 

 

Il existe tout de même quelques ingénieurs éclairés, par chance j’ai pu travaillé avec Peter Rice (41) qui était au-dessus du lot mais la plupart sont des applicateurs de règlements et ils transforment la construction en un système d’application de normes qui satisfait le productivisme au détriment de l’architecture.
 

Recueil : Antoine Basile, Ulysse Rousselet, Fernanda de Miranda Muller Cwiertnia

Figure 20. André Ravéreau enseignant à des étudiants en architecture, 2013. Exposition « André Ravéreau, leçons d’architecture » - © Manon Bublot

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Figure 21. Peter Rice, ingénieur irlandais

Architecte

Entretien avec Gilles Perraudin autour de l’architecture locale, de l’engagement dans le projet et sur la posture de l’architecte en marge et confronté aux impératifs contemporains de la construction.

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